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Deauville 2002

4ème FESTIVAL DU FILM ASIATIQUE DE DEAUVILLE PANASIA

 

Palmarès :

Lotus d'Or (Prix du Jury) : Failan
Lotus du Public (Prix du Public) : Failan
Lotus de la meilleure image : Peony Pavilion
Lotus de la meilleure actrice : Dian Sastrowardoyo
Lotus du meilleur acteur : Choi Min-shik pour Failan
Lotus du meilleur réalisateur : Song Hae-sung pour Failan
Lotus du meilleur scénario : The Rule of the Game
Lotus numérique : Gips et Tokyo Trash Baby

 

Bilans par Tom.D et par Florent :

Tom.D

Le dernier festival de Deauville vient à peine de se terminer. Les films visionnés sont encore au frais dans les esprits... forcément, des films marquent plus que d'autres, et d'autres déçoivent plus ou moins. Comme chaque année, le festival a son lot de bons et de mauvais films et est parsemé de films lambda des plus classiques.

Commençons d'abord par un avis sur le palmarès. Ce dernier pouvait facilement être deviné. Sept films en compétition dont un retiré pour léger problème d'étendard, plus exactement un drapeau indésirable, selon le gouvernement chinois, sur le pavillon du CID de Deauville . Le chinois Fathers s'est vu alors retiré de la course. Plus que 6 films en compétition pour 7 prix. Et vu la qualité des films, les pronostics n'étaient pas très difficiles. Failan du coréen Song Hae-sung retient l'attention de tout le monde. Son seul véritable concurrent était le film calibré pour festivals, le très beau (visuellement) Peony Pavilion du réalisateur Yonfan, qui remporte en l'occurrence le prix de la meilleure image.
Deux actrices de films en compétition sont présentes au festival. L'actrice Dian Sastrowardoyo de Whispering Sands, film indonésien de Nan T.Achnas, et l'actrice japonaise Asako Seto de A Woman's Work de Kentari Otani. L'un ou l'autre peu importe, et comme A Woman's Work est une comédie un peu sitcom pas drôle sur le milieu des joueuses professionnelles de shogi (variante japonaise du jeu d'échec) le choix n'est pas très compliqué. Le prix revient donc à Dian Sastrowardoyo.
Quant aux autres films, Deathrow et The Rule of the Game... on se demande un peu ce qu'ils font là. Deathrow, film philippin de Joel Lamangan, traite de la prison et des condamnés à mort comme le ferait n'importe quel réalisateur de téléfilms de l'après-midi. Autant dire tout de suite que ce film n'a pour seule originalité le fait d'être philippin et c'est justement comme ça qu'il a été présenté avant sa projection. The Rule of the Game du taïwanais Ho Ping est un film maladroit, long, avec un duo d'insupportables glandeurs, qui essaie de côtoyer les histoires sombres de gens pitoyables des frères Coen mais avec un talent qui n'est hélas pas au rendez-vous.
Une compétition peu enthousiasmante au final, et tous les lauriers pour Failan, qui avec Peony Pavilion étaient finalement les deux seuls films en course susceptibles de remporter la victoire. A vrai dire on se demande l'utilité d'une telle compétition si c'est pour nous présenter des films si peu originaux et trop peu nombreux.

En fait, pour découvrir du cinéma méritant plus d'éloges, il fallait se tourner vers le Panorama, la section hors compétition de Deauville. Parmi les neuf films présentés, je n'en ai vu que quatre. L'excellent Address Unknown, du coréen Kim Ki-Dunk, réalisateur entre autre de The Isle, présenté l'année dernière, l'impressionnant anime Metropolis de Rintaro, le très godzillesque Patlabor III dont Kenji Kawai, compositeur de la bande originale de Ghost in the Shell, signe la musique, et le barbare barbant Musa le Guerrier, film coréen au scénario convenu et à la réalisation maladroite avec Zang Ziyi dans son rôle habituel de tête à claque. Karen Mok, présente dans le Jury du festival, était aussi là pour présenter un road-movie, All The Way, qui selon les dires est des plus décevants. Parmi les autres films, un film de piscine avec des japonais qui nagent dans WaterBoys, et Les Larmes du Tigre Noir, le film de cow-boy thaïlandais colorisé qui continue sa traversée des festivals avant sa future sortie en salle.
Mais c'est plutôt une bonne surprise de voir des anime dans ce festival, d'autant plus que Manie Manie l'anime culte de Rintaro, Kawajiri et Otomo était diffusé dans le cadre d'un hommage au studio d'animation Madhouse avec notamment DNA Sights de Kojima, Boogie Pop Phantom de Watanabe et Vampire Hunter D de Ikeda. Un semblant des Nouvelles Images du Japon planait sur Deauville pour le plus grand plaisir des curieux de japanimation. Cependant je dois avouer une petite déception de ne pas avoir vu le dernier Satoshi Kon, Millenium Actress être présenté cette année... il faudra, et c'est bien dommage, attendre encore longtemps avant de voir le nouveau chef d'oeuvre du réalisateur de Perfect Blue. Qui sait, il pourrait être en compétition l'année prochaine et gagner, pourquoi pas le grand prix du festival comme ce fut le cas pour un autre anime dans un autre festival...

Une autre nouveauté très intéressante pour ce festival, est l'apparition d'un prix pour les films tournés en vidéo numérique. Une excellente manière de découvrir des films inventifs et curieusement tarés.
D'abord les très bons Gips du japonais Akihiko Shiota et Tokyo Trash Baby de Ryuichi Hiroki, lauréats ex-aequo du Lotus Numérique prouvent encore que les japonais créent les bases de cette nouvelle façon d'approcher le cinéma. Gips et Tokyo Trash Baby font notamment partis de cette même commande passée à Takashi Miike pour le monument qu'est Visitor Q. On pouvait aussi voir d'autres films en DV comme le film malaysien de Amir Muhammad, Lips to Lips. Un film très proche en soi de Clerks, le film de copains bavards de Kevin Smith. Et encore d'autres films que je n'ai malheureusement pas pu voir comme le coréen The Man Who Watched too Much, le hong kongais A Small Miracle ainsi que Hype, un film de Singapour.

Et n'oublions pas les habituels hommages. Celui de Shing Sang-ok qui restera un illustre inconnu à mes yeux puisque je n'ai pas pris le temps de voir l'un de ses films présentés. Suivi de l'hommage à Johnny To avec la projection du film soi-disant culte Full Time Killer... Et la projection du chef-d'oeuvre récompensé à Cannes de Akira Kurosawa : Kagemusha présenté ici pour la première fois en version longue. Celle utilisée à la sortie du film au Japon avant ses coupes avoisinant la demi-heure par ses producteurs exécutifs Georges Lucas et Francis Ford Coppola pour le marché occidental.

En conclusion, le quatrième Festival du Film Asiatique de Deauville nous a présenté des films variés, de tous horizons mais qui manquaient parfois cruellement d'originalité. La seule originalité d'être un film asiatique ne suffit pas. Mais c'est là le lot de tout festival, et heureusement que de bons films se sont démarqués des autres sans trop de difficultés, notamment grâce à l'apparition de la section vidéo numérique. Une quatrième année en partie réussie pour Panasia qui nous permet de voir des films que l'on ne reverra sans doute plus jamais... je pense encore à Eating Air présenté en compétition l'année dernière. Tout en restant actuel, le festival a cependant un train de retard face aux autres festivals européens comme celui de Rotterdam ou de Bruxelles en passant à côté des monuments que sont les films japonais Pistol Opera ou Electic Dragon 80000V. Mais qu'importe, allons à Bruxelles... et retournons à Deauville dans un an pour une cinquième édition qui je l'espère nous réservera encore de bonnes surprises. J'émettrais cependant une certaine réserve quant à l'utilité d'une compétition avec un si petit nombre de participants et une qualité des films en compétition aussi moyenne. De toute manière, quand on voit que le premier prix de l'année dernière, JSA, n'est toujours pas sorti en salle, on se demande à quoi cela sert vraiment à part de faire de l'ombre aux films qui méritent autant, voire même plus d'éloges.

Tom.D, mars 2002

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Florent

Le festival de Deauville a tenu toutes ses promesses. On n’en attendait pas grand-chose et on n’en a eu guère plus. Ceint dans la fameuse ville de carton pâte qui accueille chaque année le festival du film américain, le FFAD se cherche une cohérence dans deux directions : l’une géographique –cette année il est vrai le nombre de nationalités différentes était impressionnant, l’autre, disons, marginale. En effet, le choix des films est en partie motivé par la volonté de ne pas faire comme tout le monde. Deux opus de la série japonaise Love Cinema étaient présentés. Cette série de 5 films DV est celle où l’on retrouve Visitor Q… Or le FFAD n’a pas crû bon de le présenter sous prétexte qu’il avait déjà trop fait le tour des festivals ! Pourtant, il ne se gêne pas pour programmer des aberrations comme Deathrow de Joel Lamangan sous prétexte qu’il a gagné un prix au festival de Manille ! Là, où l’on peut reconnaître au FFAD une qualité, c’est dans la persévérance, ou l’insouciance, cette qualité, quelle que soit son nom, qui leur permet de programmer sans sourciller des films pour le moins… embarrassants. La seule qualité de Deathrow est…d’être philippin. En effet, comment tenir plus de 20 minutes devant cette accumulation de clichés de films de prison doublé d’un scénario pour une soirée Dossier de l’Ecran –j’avoue avoir démissionné avant la fin. Hormis la photographie, Deathrow aurait plus sa place sur M6, après Combats de femmes !

Au fil des visionnages, mon front se perlait de gouttes de sueur, symptôme d’une honte diffuse et inexplicable ressentie par empathie avec le comité de programmation. Comment un film comme Woman’s Work (Travail en japonais !) a-t-il pu être sélectionné dans la compétition officielle ??? Déjà, une diffusion dans le panorama eut-été un signe avant coureur de laisser-aller assez gênant… Le film fait rire 5 min, quand sur un ton de comédie à la Friends (désolé mais c’est vraiment de ça dont il s’agit !) le personnage interprété par Shinya Tsukamoto ( !!!) essaie de sauver son couple, deux bourgeois Japonais qui ont trop tôt usé leur relation. Mais déjà, les meubles design style Votre Maison mettaient la puce à l’oreille… L’intérieur trop propre allait sûrement dériver à un moment où à un autre… Il y avait sûrement une distance là dessous… Non, peu à peu, on glisse vers un interminable drama sportif pur jus, pareil en tout point à ceux qui squattent les petits écrans nippons ! Mêmes dialogues aussi interminables qu’insipides, même démission du réalisateur (le supplice de l’interminable montage alterné montrant les deux sœurs avec leur compagnons !) Le décalage de ce film présenté dans le cadre d’un festival était tel que je n’ai pu alors réprimer un rire nerveux…un geste de survie pour me dégager de la torpeur dans laquelle je m’enfonçais peu à peu…

Au milieu de l’académisme généralisé des films en compétitions, Woman’s Work a du achever les quelques journalistes qui avaient daigné faire le déplacement. Il faut dire que toute la beauté froide et soporifique de Whispering Sands les avait déjà bien travaillé au corps. Le jeu maniéré et affecté de la toute jeune Dian Sastrowardoyo lui a tout de même rapporté le prix de la meilleure interprète féminine. Ce mélo lourdement métaphorique est aussi vide que le désert qui lui sert de décor. Admirable adéquation du fond et de la forme ! L’académisme de festival est un genre qui se cultive… avec plus où moins de brio. Poeny Pavillon s’en sort plutôt bien avec sa photo travaillé au cordeau qui lui permettra de remporter le prix de la meilleur image (nul doute que le prétentieux Yon Fan a du l’avoir amère quand il a reçu ce prix de consolation). Quand à Failan, il marquera surtout par la performance, exceptionnelle, de l’acteur principal Choi Min-shik, visiblement immanquable pour un prix du meilleur acteur. Son personnage bouffi, usé de gangster raté dans les bas fonds de Corée du Sud. Un film fort mais qui a du mal à décider entre le réalisme de certains films chinois récents et la mièvrerie de certaines comédies sentimentales asiatiques (comprenez radicales et jusqu’au-boutistes) qui affleure surtout dans les plans consacrés au personnage de la radieuse Cecilia Cheung.

Seul The Rule of the Game échappe un peu au syndrome du « beau film » (laissons Woman’s Work de côté, à côté de la plaque, c’est là sa place…) mais place ses aspirations dans un autre style d’académisme celui du film-indépendant-de-major-américaine, à la Tarantino… Déconstruction gratuite du récit pour relever l’intérêt, dialogues longs et écrits mélange de banalité et de phrase qui font mouche, anti-romantisme et « matter-of-facts »… Pourquoi pas après tout… N’eut été les quelques longueurs et le jeu Deniroesque (empêchez le de continuer s’il vous plait, ce type est devenu une calamité !), ce petit film aurait pu amener un peu d’air frais dans la sélection.

Un nouveau genre semble avoir émergé depuis quelques années dans les festivals : le grand style pompier du sud est asiatique… Déjà l’année Bang Rajan avait posé les bases de ce style qui ne s’embarrasse pas de finesse. Cette année Musa, le Guerrier, présenté hors compétition, enfonce le clou. Mais là où le premier tirait sa force de sa bêtise et de son systématisme, Musa s’encombre d’un trame romanesque interminable et insoluble (dilemme, dilemme quelle piège tu fais pour les scénaristes peu inventifs !). Peut-être ne sommes nous pas très sensibles à ce genre de blockbusters en Europe, mélange de Roland Emmerich et de Roland de Roncevaux… mais parait-il, les épopées sont le symptôme de nations qui se cherchent une identité, qui se construisent. Ce genre de film (comme Bang Rajan) prend alors tout son sens.

Par contre, c’est dans le panorama aussi qu’on a pu voir le très intéressant Address Unknown, d’un cinéaste qui fait parler de lui en ce moment : Kim Ki-Duk. Excessif, violent, ce film est un peu comme le versant désespéré du cinéma d’Imamura. Même galerie de personnages bizarres, hors normes, loin des archétypes, des caractères…et même manière de filmer leurs rencontres, leurs impacts, leur heurts, leurs disparitions. Près d’une base américaine, dans les années 70, une mère célibataire envoie tous les jours des lettres à un GI qui depuis longtemps l’a abandonné ; son fils métis la bat car la violence est son mode d’expression privilégiée. Il ne craint que l’amant de sa mère, le boucher canin pour qui il travaille… Son seul ami est un garçon frêle timide, un peu voyeur qui aime observer cette jeune étudiante borgne qui se cherche une sexualité à travers la zoophilie. Après s’être fait violée par un duo de petits gangsters bourgeois et éduqués, elle trouvera un peu de réconfort auprès du GI que l’abus de LSD rend peu à peu schizophrène et violent….etc etc. L’infini mélancolie du film ainsi que l’habileté de Kim Ki-Duk évite à cette surenchère de tomber dans le ridicule. La fin sans espoir est peut-être le défaut du film : là où Imamura est anarchiste, Kim Ki-Duk semble être un nihiliste…

Toujours hors comptétion, quelques beaux anime ont retenus notre attention…sans toutefois fasciner. Metropolis est tout de même, avouons le, une grosse déception. Les premières minutes émerveillent, le style unique et l’univers d’Osamu Tezuka étant parfaitement rendu pour les plus grand plaisir des yeux. Mais très vite, le film s’embourbe dans une accumulation, une surenchère d’effets visuels pour le moins soporifique. Le scénario est trop ténu, sans grand rebondissement, et n’eut-il été écrit par Katsuhiro Otomo qu’on aurait crié au plagiat d’Akira… Auto citation, intertextualité, ou impasse créative flagrante ? Certains éléments sont des citations directes, comme le dôme qui contient le corps de l’androïde, sa transformation finale où des tentacules de chair lui sortent du corps, le design des monte-charges ( !)…Mais le scénario lui même est construit de la même manière, ayant plus ou moins recours au même type de personnages. De plus, acculé une nouvelle fois par la trame de son idée de base, Otomo n’a d’autres recours que de tout faire exploser, réduisant Metropolis, de la même manière que Neo-Tokyo à l’état de ruines. On se demande même si tout ceci n’est pas qu’un prétexte à montrer que oui, les japonais sont les maîtres incontestés de l’animation… Oui, Metropolis a eu accès à ce qui se fait de mieux en matière de technique…mais à vouloir être trop démonstratifs, les créateurs ont eu recours à l’intégration d’images de synthèse pour le moins hideuses… Dommage…un monde aussi riche aurait nécessité un traitement plus modeste et un scénario plus poussé ! Dans le genre démonstratif, la reprise de Manie Manie mérite plus l’attention. Certes un peu creux, ce film à sketches avant tout destiné à montrer le savoir-faire des réalisateurs et des studio qui les emploient. Bonne surprise du côté de Patlabor III, qui sans esbroufe, avec un design réaliste, une lenteur et des temps morts tout japonais, une attention au geste du quotidien, parvient à délivrer une bonne petite série B de science fiction mâtinée thriller policier.

Outre ce tour d’horizon d’animes japonais (passons sur le fait que Dynamic fasse sa pub directement au travers du festival), d’autres rétrospectives thématiques ont permis de goûter divers épices asiatiques… Commençons par la morue faisandé avec le tâcheron Johnny To, certainement le cinéaste le plus surestimé de tout les temps (couverture de Positif, tour des festivals avec son inepte Fulltime Killer)…Après avoir visionné Help, je dois avouer que je fus assailli d’une crise de cafard cinéphilique… Seule la radieuse Cecilia Cheung (eh… non non ça va…) constitue l’infime intérêt de ce film ( ???) qui marrie humour noir crétin des films HK et mauvaise esthétique télé… allez, soyons gentil, j’ai ris une ou deux fois… Enfin, cela ne sauve pas Johnny To, dont le seule talent a été de chaperonner quelques jeunes cinéastes intéressants et de bien choisir ses nègres, et qui moins que Wong Jing encore (cf. Udine) mérité les honneurs d’une rétrospective !

Bonne surprise par contre du côté de Shing Sang-ok… nul doute que tout au long de sa filmo, il ait constitué une œuvre mineure, mais Eunuch reste un film très intéressant. En effet, celui-ci réalisé en 1968 véhicule des idées politiques assez fortes. Retraçant la vie des eunuques serviteurs de l’empereur sous la dynastie Chosun, Shing Sang-ok offre une vision très critique du pouvoir. La première et la dernière images montrent une porte qui s’ouvre : nous pénétrons le temps d’un film dans l’envers du pouvoir, spectateur de ce qui d’habitude nous est caché. L’empereur interdit toute vie privée à l’immense cour qui l’entoure : les hommes étant châtrés et les femmes réduites à l’état d’esclaves sexuelles. Rapports de sexe et rapports de classes sont clairement mis en parallèle. Pour défier l’autorité de sa mère et lui montrer qu’il peut s’il le veut braver les interdits, tout en humiliant l’héroïne qui lui refuse sa couche, l’empereur passera la nuit avec une simple suivante. Les faibles sont humiliés sans vergogne (cf. la scène où les nouvelles recrues eunuques sont mises à l’épreuve de la souffrance). Et le personnage principal, de classe inférieure à celle de la femme qu’il aime se verra impitoyablement mutilé et contraint de rentrer dans les rangs des eunuques. Deux scènes remarquables mettent en parallèles les deux amants : lors de la première, l’héroïne est contrainte d’écouter les ébats de l’empereur et de sa suivante, avant de se retrouver à sa place… l’amant impuissant (et pour cause !) devant supporter les cris mi-protestation, mi-jouissements de son aimée. Seule la destruction totale pourra venir à bout de ce système installé depuis des générations. Tout finira dans un bain de sang… une fin peu optimiste sans équivoque. Peut-être aura-t-il fallu voir Vanished, film de 94 présenté aussi à Deauville pour avoir une vue d’ensemble de ce cinéma engagé. En effet ce film de politique-fiction est paraît-il une critique directe du régime de Park Jong-Hee.

Entre deux grosses quiches à festivals, les petits films du panorama DV, qui concouraient pour le festival off de Deauville apportaient un peu d’air frais. Enfin, façon de parler… Car Gips de Akihiko Shiota (Harmful Insect), petit chef d’œuvre, n’était pas vraiment un film léger ! Relation fétichiste, aliénation, obsession…le film dépeint une relation hors norme entre deux femmes. Pas vraiment lesbienne puisque fétichiste, leur relation passe plutôt par un rapport de soumission et de dépendance que par le sexe à proprement parler. Outre sa forme sobre et sa très belle photo, la grande réussite du film est de dépeindre ce rapport inédit où la soumise, quoiqu’elle fasse, quelque soit le plan ou le stratagème qu’elle emploiera se verra toujours cantonné à la position d’inférieur, de celle qui obéit, qui ne peut se passer de l’autre… Voulant faire chanter la sombre Tamaki, Kazuko lui envoie des lettres anonymes à propos d’une vague histoire de meurtre. Mais finalement, c’est elle, Kazuko, qui, comble de tout, paiera de sa personne pour appâter les mâles en chaleur et leur vider les poches en les neutralisant avec un pistolet à décharges électriques. La scène où Tamaki laisse Kazuko l’appeler désespérément pour la délivrer d’un pervers qui l’assaille dans de sinistres toilettes publiques est un moment d’une rare intensité. Kazuko est depuis toujours experte dans la manipulation depuis le jour où elle s’en rendu compte du pouvoir des fameux « gips », c’est à dire des plâtres qui entourent des membres cassés… Sous des fausses apparences de fragilité, ce faux handicap lui permet de manipuler qui elle veut, quand elle veut… les hommes en particulier. Mais aurait-elle pensé que cette dépendance maître esclave pouvait être à double sens. Elle en fera les frais avec Kazuko qui transformera son déguisement en véritables plaies.

Dans le même ordres d’idée, Tokyo Trash Baby (Ryuichi Hiroki, l’auteur de I am a SM Writer) dépeint la vie d’une jeune fille qui aime secrètement son voisin, un joli rocker rebelle, au travers de ses ordures, qu’elle fouille ausculte et triture chaque jour… Une sorte de version comédie romantique de All Night Long 3…Mais le film ne se terminera pas en boucherie.. Après avoir rencontré et même couché avec le jeune homme en question, Miyuki apprendra tout simplement qu’il savait tout depuis le début. Leur relation s’arrêtera là, non tout à fait parce qu’elle est honteuse, mais plutôt parce que cette relation directe, habituelle est à mille lieues du petit univers qu’elle s’était constuit au milieu d’autels de détritus. Le scénario est un peu léger, mais le film reste tout de même intéressant…Que l’image fétichiste du Japon soit un cliché...sans nul doute. Mais il n’est pas gratuit. La question du désir dans cette société où tout est à portée de main, où les biens de consommation envahissent les villes et les vies n’est pas dérisoire.

Cette sélection charriait aussi son lot de navets… Mal foutu, amateur, ce film Hong Kongais, A Small Miracle l’est sans aucun doute. Le son n’a pas été vraiment masterisé, l’image est souvent cramée, sans étalonnage… Mais le plus grave est ailleurs : le film commence de manière assez cocasse en dépeignant la vie minable d’un petit employé au physique de Woody Allen… Mais peu à peu, ce Small Miracle vire au film noir… avec un air de déjà vu : sa femme est aussi peu compréhensive qu’elle est intéressée, il n’a pas l’augmentation qu’il voulait, il se retrouve mêlé malgré lui à une histoire de trafic…il saisit l’opportunité avant de se rendre compte, mais un peu tard, qu’il joue dans la cour des grands… Sous couvert de petits moyens et de technique approximative, Kenneth Bi ne caresse qu’un rêve : entrer dans la cour de tous les faiseurs qui inonde le marché du film HK ! Quand à la palme du film le plus crétin, elle revient sans aucun doute à Lips to Lips, premier film malais en DV (en premier film malais tout court pour moi !). Sorte de sitcom trash, mélangeant la série pour ado Parker Lewis et le film Clerks, avec une pincée d’humour hong-kongais… Si vous rêvez de voir un homme joufflu en chemise de nuit dorée se goinfrer de donuts, sodomiser une poupée en plastique avant de se faire mutiler par sa femme et être enfermer dans une voiture le reste du film ; si des sketches où des homos sont tous joués par le même acteurs ne vous font pas peur ; si vous considérez comme le comble de l’humour les bandits à trois couilles, le traffic d’escarpins, les petites piques contre l’intégrisme religieux, si les fées de 1m20 qui ne parlent qu’en citant des classiques du rock (Jimi Hendrix etc…) et qui délivrent des filtres d’amour vous font rire, alors Lips to Lips est fait pour vous ! Personnellement, mea culpa, je dois avouer que ce film bancale et idiot m’a fait le plus grand bien entre deux Whispering Sands, Deathrow ou Musa !

Très critiquable encore une fois, ce Festival du Film Asiatique nous laisse sur notre faim… Aucun film réellement attendu (à part peut-être Metroplis), aucune révelation dans cette programmation qui manque cruellement de rigueur. Peut-être faut-il imputer ce défaut au jeune âge du festival… A suivre l’année prochaine.

Florent, mars 2002

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