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Avalon

AVALON

Mamoru Oshii, 2001

avec Malgorzata Foremniak, Wladyslaw Kowalski, Jerzy Gudejko, Dariusa Biskupski, Bartek Swiderski, Katarzyna Bargielowska, Alicja Sapryk, Michal Breitenwald, Zuzanna Kasz.

Brian Addav / Zeni

Zeni :

Suite au plébiscité Ghost in the Shell, Mamoru Oshii se tourne vers le cinéma pour un long métrage étonnant sur l'univers des jeux vidéo et la réalité virtuelle. Une photographie époustouflante, un tournage en Pologne avec des acteurs du cru pour un film qui reste le plus convaincant à ce jour sur le sujet.

Ash est une joueuse talentueuse du jeu illégal Avalon. Ce dernier propose un univers virtuel où les joueurs s'affrontent ou s'entraident afin de gagner des points d'expérience qui peuvent être ensuite reconvertis en argent. Désirant raccrocher, Ash revient au jeu afin de pénétrer dans la mystérieuse "zone A spéciale" que peu de joueurs ont pu entrevoir. Et certains s'y sont d'ailleurs perdus, devenant des légumes végétant dans des hôpitaux.

Être visionnaire lorsqu'il s'agit de représenter la réalité virtuelle et ses conséquences n'est pas chose aisée. Mamoru Oshii y parvient cependant, même s'il reste impossible de véritablement statuer sur le fait de savoir s'il est ou non visionnaire, en créant un monde atypique dont l'esthétique tranche radicalement avec notre environnement et qui se rapproche parfois du monde kafkaïende Terry Gilliam pour Brazil : lieu de tournage, ambiance des lieux, ou objets de haute technologie principalement.
La description du monde des jeux vidéo est fouillée à l'extrême ainsi que les références aux jeux de rôles (points d'expériences, classes de personnages). Pourtant, l'action est peu présente dans le film, au profit de personnages plus crédibles. Ash particulièrement. Peu à peu, Oshii étoffe sa réflexion et réserve une fin autant subtile que surprenante qui enterre toutes les grosses ficelles et entourloupes de scénario d'un Matrix.
Avalon est un film dense dont le parti-pris esthétique peut gêner - le monochrome est néanmoins tout simplement superbe. Cependant, la formule de la relecture moderne de la légende arthurienne - un peu comme Jin-Roh revisitait le conte du Petit Chaperon Rouge, fonctionne à merveille car peu appuyée, Oshii ne conservant que les grandes lignes de la légende.

Toujours servi par la musique de Kawai qui sied parfaitement à l'ambiance parfois mystique du film, Avalon parvient à trouver un équilibre entre oeuvre d'esthète et réflexion sur les mythes.


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Brian Addav :.

Attention, grand film que nous sort une fois de plus Oshii avec cet Avalon au combien complexe. Un seul bémol, si vous n'êtes pas un joueur de jeu vidéo, il y a de grandes chances que ce film vous ennuie, ou semble vous donner une leçon de philosophie à deux euros.
Néanmoins. Oshii aborde une fois de plus son thème de prédilection : le réel, l'irréel, le virtuel, où est la frontière. Sujet ayant déjà donné lieu à quelques films ou séries intéressantes, mais n'allant pas aussi au fond des choses. On pensera à Ghost In The Shell, du même Oshii, qui abordé le thème de la prise de conscience de soi au travers de sa mémoire, qu'elle soit génétique ou informatique. Serial Experiment Lain est la première série à vraiment avoir su aborder de façon pertinente le problème de la réalité, de la frontière entre le monde réel et le monde virtuel que l'homme vient d'inventer. Existenz de Cronenberg est le film qui se rapproche le plus d'Avalon, jouant sur la question du joueur, du jeu dans le jeu. Mais même venant de Cronenberg, l'analyse restait quelque peu superficielle. (Pas autant que dans Matrix, condensé malin de ce qui se faisait de mieux sur le sujet, et dont le seul intérêt était d'introduire de manière officielle tous les codes des films asiatiques dans notre cinéma occidental)
Et Oshii est apparu avec Avalon. A ceux qui s'attendait à un Ghost In The Shell filmé, à un manga de base joué par de vrais acteurs, autant prévenir qu'ils vont être déçus. A ceux qui espéraient un film d'action science fictionnesque, idem.
Oshii livre son film, ou plutôt sa réflexion. Nulle action, juste l'interrogation majeure du film : que cherche le joueur, qu'apporte le jeu, qu'est-ce qu'un univers virtuel.

La réponse est Avalon, wargame illégal dans un monde future. Wargame tellement prenant que des joueurs gagnent leur vie en y jouant, en équipe ou en solo. Leur but, monter de niveau en niveau, et atteindre le niveau A, la classe spéciale A, source de toutes les rumeurs. Le jeu est risqué, nombre de joueurs y ont laissé leur cerveau et sont devenus de simple légume.
Avalon, l'île de légende, Arthurienne, où le Neufs Sœurs emmènent les héros pour l'éternité.
Ash est le personnage principale du film. Joueuse de haut niveau, elle est actuellement l'une des meilleurs, proches d'atteindre son but. Elle a fait partie auparavant d'une équipe de joueurs invincibles, les Wizards, équipe séparée suite à une mission ratée. Ash veut aller jusqu'au bout. On ne sait pas trop si elle veut finir le jeu, ou aller au bout pour retrouver Murphy, son ancien chef qui s'est perdu dans la classe spécial A.
Elle finira par trouver le moyen d'accéder au niveau supérieur par l'intermédiaire d'un Bishop, joueur de très haut niveau, dont le statut lui a été accordé par le système.

La principale question qui sous tend le film est bien sûr de savoir où s'arrête le jeu, où reprend la réalité. Ash est-elle réelle ? Son chien est-il réelle ou juste un bonus accordé suite à ses exploits, et bonus retiré suite à un échec ? Où est la vraie réalité ? Ne s'est elle pas déjà perdue dans le jeu à tout jamais ?

Oshii, au travers du média qu'est le jeu vidéo, essaie de répondre à ses propres interrogations : comment se construit-on sa réalité. Peut-on se construire sa propre réalité sans l'aide des autres ? Peut-on y vivre ?
A son interrogation, il ajoute une forme visuelle étonnante, nouvelle. On ne visionne pas réellement un film, ni un manga, ni un jeu vidéo. Quelque chose qui se tient à la lisière de ces trois moyens d'expression. Les images sont magnifiques, retravaillées, déréalisées. Le traitement sépia apporte quelque chose de désenchanté, d'irréel.
(On pourra faire un parallèle avec le travail de Sokourov, tellement on a l'impression parfois de voir des images finies, en train d'être créées sur l'écran. La seule différence est que Sokourov tient plus du peintre, et Oshii du manga, de l'outil informatique.)

Avalon est à ce jour la meilleure réflexion cinéphile sur le thème du virtuel. Rien que pour ça, il faut absolument aller le voir.

© Novembre 2001

© Brian Addav Avril 2002