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Chihwaseon

CHIHWASEON

Im Kwon-Taek, 2002

avec Choi Min-Sik, Ahn Sung-Ki, You Ho-Jung, Kim Yeo-Jin, Son Ye-Jin

Im Kwon-taek, réalisateur coréen ayant à son actif une centaine de films, vient d'être récompensé cette année à Cannes par l'attribution du Prix du Meilleur Réalisateur. Un prix qui vient certes un peu tardivement mais qui couronne un réalisateur de génie dont la filmographie reste en grande partie inconnue en Occident, mais qui a été considéré comme un honneur national en Corée. En France, on a pu cependant voir La Chanteuse de Pansori et Chunyang, deux superbes films tous deux sur le thème du pansori, récit chanté traditionnel coréen.

Avec Chihwaseon, Im Kwon-Taek délaisse le pansori, mais comme pour Chunyang, il remonte dans le passé pour un film merveilleux à tous les niveaux, que cela soit dans les décors, la reconstitution, les thèmes politiques sous-jacents, la biographie romancée d'un talentueux peintre coréen tenu pour le plus grand peintre coréen mais dont la vie reste en grande partie mystérieuse. Im Kwon Taek nous conte donc l'histoire de ce peintre à partir des éléments biographiques qu'il a pu récupérer, ajoutant une part de fiction là où la biographie ne dit rien. En même temps que la vie de ce peintre (interprété par l'incroyable Choi Min-Sik, le terroriste dans Shiri !), c'est tout un pan de l'histoire coréenne qui nous est dévoilé, à une époque troublée où la nation coréenne peinait à trouver sa place, écrasée par ses voisins chinois et japonais et refusant, à l'image du Japon à une époque, de s'ouvrir sur l'étranger. Le film a à ce point été un succès en Corée, qu'il est devenu un outil d'enseignement et sera projeté aux écoliers du pays dans un but pédagogique. Pour cela, Im Kwon-taek a du concéder à une coupe, une scène de sexe assez explicite, qui est d'ailleurs la version telle qu'elle a été présentée à Cannes.

Certainement qu'en choisissant d'illustrer la vie de Jang Seung-ub (dont le nom d'artiste est Oh-won), Im Kwon-taek a retrouvé un peu de lui-même dans ce personnage. Sans forcer, il s'est exprimé au travers de Seung-ub en même temps qu'il a étendu son propos à tout le contexte historique, social et politique. De ce point de vue, le film n'est pas tout à fait innocent et c'est aussi la Corée contemporaine que l'on retrouve parfois dans une critique parfois virulente. Cependant, l'accent est principalement mis sur la reconstitution, qui est tout simplement grandiose, et les personnages. Une reconstitution qui ne se borne pas à retranscrire seulement l'atmosphère de l'époque mais est un véritable témoignage de cette période trouble de l'histoire de la Corée. A ce titre, Chihwaseon est assez proche d'un film tel que La Reine Margot.
Car le film ne repose pas seulement sur une splendeur visuelle impressionnante, il s'agit avant tout d'une histoire d'hommes et de femmes avec tout ce que cela implique. Ainsi le film est traversé par un humour omniprésent, un érotisme autant réaliste que souvent seulement suggéré et des scènes plus dures, montrant la réalité du peuple coréen et l'opposition avec l'aristocratie arrogante et corrompue. Seung-uh est le lien entre ces deux extrêmes puisqu'il est issu d'une couche sociale très pauvre mais son talent lui a permis de gravir les échelons tout en conservant son intégrité qui le fera apprécier de tous les Coréens. Refusant de se compromettre avec qui que ce soit, même les plus hautes autorités, profondément individualiste voire égoïste, totalement désintéressé, c'est surtout un homme qui aime les femmes et un buveur invétéré. Il représente ce que l'on pourrait appeler l'âme du peuple, d'où sa popularité auprès des Coréens.

Im Kwon-Taek semble à chacun de ses films atteindre de nouveaux sommets. Avec Chihwaseon, on se demande légitimement comment il pourra faire mieux, mais on peut avoir confiance dans le talent incommensurable de ce réalisateur. Un film magnifique pour qui veut saisir un instant l'esthétique coréenne et découvrir la vie d'un artiste d'exception. Mais c'est également, et avant tout, une vraie leçon de cinéma, non pas du fait de l'académisme que certains pourraient y ressentir, mais tout simplement car c'est une leçon d'humilité et un hymne à la liberté.

© Octobre 2002