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Le Chant de la Fidèle Chunhyang

LE CHANT DE LA FIDÈLE CHUNHYANG

Im Kwon taek, 2000

avec Seung-woo Cho, Hyo-jeong Lee, Jung-hun Lee

Chunhyang est le 97ème film de Im Kwon Taek dont seul le sublime La Chanteuse de Pansori avait jusqu'alors eu la faveur des écrans français. Autant dire que contrairement à ce que l'on pourrait penser (par sa présence à Cannes, par exemple) , il ne s'agit pas là d'un film ayant pour but de populariser en occident cet art traditionnel coréen qu'est le Pansori.

Chunhyang est l'adaptation au cinéma d'un classique du répertoire pansori. L'histoire est donc simple et on peut la comparer à un Roméo & Juliette ou à un The Lovers version coréenne. Si on n'est pas rebuté par le chant très particulier qu'est le pansori, Chunhyang vous fera découvrir cette tradition coréenne dans ce qu'elle a de plus classique mais pas seulement puisque Im Kwon Taek ne se contente pas d'illustrer le récit par de belles images.

Ainsi, dès le début, l'entrée dans le récit se fait graduellement. D'abord le chant, sans images puis le titre et enfin, après quelques secondes de noir complet, l'apparition de l'artiste, sur une scène aujourd'hui en Corée. Im Kwon Taek inscrit d'emblée sa volonté de réaliser un film sur le pansori (et non un film de pansori) en l'ancrant dans la réalité et en montrant sa vraie face du pansori : celle du conteur. Car le pansori, s'il est récit, existe aussi et surtout par lui même, par la manière très particulière dont il est accompagné et interprété. L'interprétation est indissociable du récit et se révèle même plus importante que le conte lui-même. C'est pourquoi Im Kwon Taek revient régulièrement à la scène et au public au cours du film. Les images sont son interprétation visuelle de ce qu'il entend lorsqu'il assiste à une représentation de pansori. D'ailleurs, le film s'ouvre sur la représentation et se clôt sur les applaudissements du public. Même lorsque l'artiste n'est qu'entendu, on perçoit les réactions du public (sorte d'écho qui ajoute à la splendeur du chant). Jamais la présence d'un interprète n'est oubliée.

Cependant, Im Kwon Taek n'oublie pas qu'il est en train de réaliser un film et que si le son a son importance, il n'est rien sans l'image. Et avouons que la photographie est splendide tout en restant au service du récit (illustration) sans pourtant n'être qu'une succession de tableaux aussi beaux que vains. Pour preuve, le réalisme dont fait preuve Im Kwon Taek. Les scènes ne prennent jamais un aspect onirique ni de conte fabuleux. Le pansori raconte une histoire qui se veut ancrée dans la réalité quelle qu'elle soit (sociale, politique,...) d'où par exemple, la superposition des paroles des personnages et du chant rapportant ces paroles à l'identique.

Enfin, Im Kwon Taek parvient de manière très naturelle à insérer dans son récit un détachement ironique soit par un humour certain soit par une critique politique et sociale subversive, que l'on perçoit surtout sur la fin du récit. On peut évidemment reprocher à Im Kwon Taek son Happy End (le méchant est châtié, les amants sont réunis à nouveau) mais ce dernier ne cherche jamais à provoquer chez le spectateur des réactions émotives par l'emploi d'astuces connues (pas de progression dramatique en crescendo par exemple). La fin heureuse est donc tout à fait naturelle.

Par l'histoire, l'approche et le traitement, il est difficile de ne pas comparer Chunhyang à The Lovers (celui de Tsui Hark de 1994 évidemment mais aussi et surtout celui de King Hu & Han Hsiang Li de 1963). On y retrouve plusieurs points communs. D'abord, il s'agit d'un récit traditionnel et chanté (aspect abandonné par Tsui Hark, certainement pour rendre son film plus accessible et commercialement viable) où est présent l'humour. Si Tsui Hark sépare clairement les parties drame et comédie, King Hu & Han Hsiang Li et Im Kwon Taek préfèrent le distiller au cours du récit, ce qui bien que plus ardu, se révèle aussi plus payant. Évidemment The Lovers est nettement plus tragique que Chunhyang, ce qui permet à Tsui Hark de faire appel à la cavalerie lourde pour la deuxième partie de son film qui apparaît d'ailleurs peu subtile en comparaison à la version de 1963 et dans une moindre mesure à Chunhyang. Enfin, dans l'approche qui est l'illustration cinématographique d'un récit chanté traditionnel, il est clair et incontestable que King Hu & Han Hsiang Li tout comme Im Kwon Taek apparaissent à la fois plus respectueux (ce qui, je vous l'accorde, n'est pas un gage de réussite) et surtout plus subtils en faisant de leurs films respectifs de vrais hommages à un art ancestral plutôt qu'une simple opération commerciale et tape à l'oeil.