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Les Démons à ma Porte

LES DÉMONS A MA PORTE

Jiang Wen, N&B, 2000


Avec
Wen Jiang .... Ma Dasan
Hongbo Jiang .... Yu'er
Teruyuki Kagawa .... Kosaburo Hanaya
Ding Yuan .... Dong Hanchen
Zhijun Cong .... Grand-père
Zi Xi .... Liu Wang
Haibin Li .... Me
Kenya Sawada .... Inokichi Sakatsuka
Weidong Cai .... Er Bozi
Lianmei Chen .... Tante
Yoshimoto Miyaji .... Koji Nonomura
Qiang Chen .... Liu
David Wu .... Major Gao

Brian Addav / Zeni


Brian Addav : Un petit village perdu du nord-est de la chine pendant la grande guerre. Occupé forcément par les japonais. C'est là que vit, survit tranquillement en ces jours difficiles, Ma Dasan (Jiang Wen). Lui, sa vie, et sa maîtresse, jeune veuve qu'il ne veut pas marier pour l'instant, leur relation étant cachée aux yeux du village.
Tout irait pour le mieux si un soir, en plein coït secret, quelqu'un frappe à sa porte. Qui ? On ne le saura jamais. Un petit démon malicieux qui va ainsi déclencher le pire, à tout point de vue, dans la vie du pauvre Ma Dasan. En effet, il lui lègue comme cadeau empoisonné deux prisonniers japonais. Avec charge pour lui de leur soutirer des renseignements, et de les lui garder pour un mois.
Sagement, Ma Dasan prévient le conseil de son village et débute une énorme farce burlesque, dont le tragique est déjà présent.
Avec frénésie, la présence de ces deux prisonniers va bouleverser l'ordre établi au village, et va surtout confronter chacun à ses démons intérieurs, à affronter sa peur, sa lâcheté et son courage. Pour compliquer le tout, la communication entre les villageois et les prisonniers n'est pas aisée. Et quand en plus, personne ne vient les rechercher, c'en est trop, qu'en faire ?
Entre la raison, la passion, le patriotisme, la résistance, la peur, choisir une solution, trouver les gens capables de résoudre le problème, n'est pas chose aisée. Difficile d'en dire plus car ce serait quand même un peu gâcher de l'intérêt du film.
Par contre, il faut quand même saluer cet objet incongru au sein du paysage asiatique. En tout cas, si influence il y a, elles ne sont pas à chercher vers les auteurs qu'on connaît de là-bas. Mais plutôt chez nous, Tati ? Fellini ? Peut-être le burlesque tragi-comique tout simplement, aidé du talent de metteur en scène de Jiang Wen, et surtout de ses acteurs.

© Brian Addav Mai 2001

Zeni : Ce deuxième film de l'acteur Jiang Wen (son premier film étant In the Heat of the Sun, 1994) a fait beaucoup parlé de lui pour de soit disantes raisons de censures. En fait, le problème est bien plus simple (uniquement un problème d'autorisation de projection à Cannes l'année dernière) et a en partie occulté le principal : la qualité et l'originalité du film.

En pleine guerre civile et sino-japonaise, dans un village reculé du nord-est de la Chine, une nuit, Ma Dasan (Jiang Wen), brave paysan, se voit livrer par l'armée chinoise, deux individus. L'un, Hanaya, est japonais et l'autre, Dong Hanchen, est son interprète chinois. Chargé au prix de sa vie de cacher les deux prisonniers et d'obtenir leurs aveux, Ma Dasan, va demander l'aide aux autres villageois. D'autant plus qu'à la date prévue, les ravisseurs ne reviennent pas chercher leurs colis. Plusieurs mois s'écoulent et Ma Dasan se retrouve confronté à l'éventualité d'abattre les deux prisonniers.

Ça commence comme une blague proche de l'absurde qui vire à la farce à la fois comique et cruelle qui se transforme peu à peu en une véritable tragédie. Mélangeant avec bonheur ces deux extrêmes, Jiang Wen livre un film furieusement original, qui foisonne d'idées. Objet étrange, Les Démons à ma Porte, est une réussite à tous les niveaux et sans aucun doute le meilleur film chinois de ces dernières années.

Tout d'abord, la photographie en noir et blanc est sublime, les décors récréés de toutes pièces magnifiques et le travail de reconstitution de la Chine de cette époque est tout simplement époustouflant. On baigne cependant dans l'étrangeté la plus totale avec ce village occupé par une garnison japonaise hallucinante dont l'activité principale est de défiler en musique, chaque jour, dans les rues du village en distribuant des bonbons aux enfants. Les villageois, figures typiques voire caricaturales, comme ce grand-père à l'allure de centenaire qui ne cesse de jurer ou la tante peu commode de Ma Dasan, sont criants de vérité et offrent au film ses moments les plus divertissants. Comment ne pas succomber de plaisir et de rire à l'arrivée de ce bourreau âgé, à la renommée importante et expert en arts martiaux ? Il en est de même pour ce couple de prisonniers qui ne cessent de se chamailler et dont la communication avec les villageois passe par l'interprète, faussant sans cesse les traductions et instaurant le doute. L'interrogatoire est, à ce titre, un des moments les plus savoureux de ce film, dans lequel on rit finalement énormément.

Mais c'est bien une tragédie que se trame en arrière plan. Car on est en guerre. Et plutôt que de s'étendre sur les horreurs de la guerre (même si Jiang Wen ne se voile pas la face, et critique, de manière justifiée, parfois violemment l'attitude de l'armée impériale japonaise en Chine), le réalisateur s'attache à la manière dont les hommes réagissent dans une situation aussi critique que celle d'une guerre. Réactions faites de peur, de trahisons, de complots, de collaborations, de lâcheté et de vengeances. Réactions humaines où chacun tente de sauver sa peau, de n'importe quelle manière. Car Jiang Wen, s'il n'est pas tendre avec les japonais, ne l'est pas moins avec ses compatriotes et propose une réflexion subtile sur la guerre en générale. Je ne vous dévoilerai pas l'épilogue grandiose de ce film furieusement décalé.

Jiang Wen parvient à ce délicat équilibre (que seuls de grands réalisateurs comme Tsui Hark et son Histoire de Cannibales sont capables d'obtenir) entre l'humour (absurde) et la tragédie. Il livre un film diablement original (difficile d'y trouver la moindre influence) en total décalage avec les productions habituelles chinoises et surtout officielles. Signalons également les performances incroyables de l'ensemble des acteurs.

© Mars 2001