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From the Queen to the Chief Executive

FROM THE QUEEN TO THE CHIEF EXECUTIVE

Herman Yau, 2000

avec Stephen Tang, Ai-Jing, David Li.

Herman Yau n'est pas un inconnu pour qui s'intéresse à la Catégorie III de HK. C'est en effet lui qui a réalisé le célèbre Ebola Syndrom, sans aucun doute l'un des pires films de cette catégorie. Mais selon les personnes, "pire" aura une signification bien différente. Après avoir initié la série des Troublesome Night (qui va atteindre son 10ème épisode !), et avoir fait un retour sur le devant de la scène par l'entremise de Master Q, Herman Yau s'établit comme l'un des réalisateurs les plus passionnants du moment avec From the Queen to the Chief Executive.

Du Handover - la rétrocession de HK à la Chine par le Royaumes Unis en 1997, il en est peu question dans le cinéma de Hong Kong récent, en dépit de l'importance capitale de cet événement dans l'histoire de l'ex-colonie britannique. Si l'on excepte Fruit Chan et sa trilogie (Made in HK, The Longest Summer et Little Cheung), on constate même un vide inquiétant sur le sujet...
Le film d'Herman Yau est une réflexion sur l'impact de la rétrocession sur HK et ses habitants, à partir d'un fait divers. Un film en forme de parabole à la teneur politique. Plus exactement, le film prend pour sujet le sort de 23 prisonniers, condamnés alors qu'ils étaient encore mineurs mais qui n'ont jamais reçu leur sentence du fait même de leur âge, cette dernière étant laissée "au bon vouloir de Sa Majesté", selon la formule consacrée. Mais à l'heure de la rétrocession, qui va décider si Sa Majesté n'a plus aucun pouvoir légal à HK ?
Un député et une jeune femme, qui a une relation d'amitié forte avec un des prisonniers, vont s'engager du côté des prisonniers pour obtenir que leurs peines soient prononcées avant la rétrocession. Mais les actes commis par certains d'entre eux sont si horribles que la population a du mal à accepter une éventuelle libération des prisonniers, qui ont pourtant déjà effectué un séjour de plus de dix ans en prison.

Tout le film est basé sur l'idée de transition subie, comme le signifie le titre, qui indique bien une passation de pouvoir, voir d'un objet d'une personne à une autre. La rétrocession est un événement non choisi par les habitants de HK, pourtant les premiers concernés, qui passe de la domination coloniale à la domination politique. Les libertés durement acquises auprès des anglais, dont le député est l'incarnation, sont remises en cause d'un seul coup. On voit d'ailleurs le député, déchu de ses fonctions, devenu soudain inutile car incapable d'exercer la moindre influence dans la nouvelle société, dans laquelle il n'a plus aucune légitimité légale ou pouvoir représentatif.
Le film, par l'intermédiaire des prisonniers, montre une société toute entière qui ne décide pas pour elle-même mais subit les choix d'instances supérieures. Il montre également, et surtout, l'incapacité de cette société à s'élever contre cet état de faits. Les protestations estudiantines et les grèves de la jeunesse du député sont bien loin, et même si l'on ressent que l'engagement actuel du député sont en grande partie un moyen pour lui de prendre sa revanche sur le passé - son engagement lui vaut de mettre sa famille en péril en l'opposant à sa femme, ancienne camarade de lutte, il y a là une volonté muette d'exprimer un souhait, celui de voir les habitants de HK se soulever contre les anglais plus que contre la Chine, de laquelle il y a certainement plus à craindre. Les prisonniers n'ont pas ce pouvoir et le député semble vouloir dire à la population, vous avez des droits, mais vous n'en faite pas usage. Qu'attendez-vous ? Après la rétrocession, il sera trop tard.
A côté de ce thème qui constitue le coeur du film, Herman Yau dépeint des personnages crédibles, magnifiquement interprétés, avec chacun leur histoire personnelle qui sert le propos général. Ainsi, si le rôle du député et des prisonniers a été exposé plus haut, la jeune femme vient empêcher que l'on oublie les actes commis par les prisonniers. Elle est déchirée entre sa soif légitime de justice, et l'amour qu'elle porte à l'un des prisonniers, et le sentiment naturel de vengeance et de dégoût devant des actes aussi odieux - qui donnent au film ses passages les plus violents. Elle ne participera d'ailleurs pas à la première manifestation, après avoir lu des journaux de l'époque. Mais son passé resurgira brusquement.
Film d'une richesse incroyable, maîtrisé d'un bout à l'autre et à tous les niveaux - bande originale variée et adaptée, distribution sans fausse note,... il bénéficie d'une mise en scène impeccable - usage opportun du noir et blanc sur certains passages, caméra dynamique parfois proche du documentaire, extraits d'émissions télévisées, de journaux. Il évite avec soin le larmoyant en dépit d'une conclusion forcément tragique, mais finalement logique, de celles qui laissent un goût amer dans la bouche, celui de l'injustice.

Herman Yau réalise là, le film plus intéressant depuis des lustres à Hong Kong. Et l'un des témoignages les plus convaincants sur le sujet délicat de la rétrocession. Sans aucun doute le meilleur film de cette année 2001, et de loin.

Note : On remarquera le travail effectué au niveau du sous-titrage. Pour une fois, les termes spécifiques à HK sont expliqués et l'intégralité du générique de fin est traduit, chose suffisamment exceptionnelle pour être remarquée. Certainement que la possibilité de lancer le film sur le marché international n'a échappée ni au distributeur et ni au producteur...

© Septembre 2001