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In The Mood For Love

IN THE MOOD FOR LOVE

Wong Kar Wai, 2000

avec Maggie Cheung, Tony Leung Chiu-Wai

Brian Addav - Zeni

Brian : On va encore dire que je ne suis pas objectif par rapport au cinéma asiatique, mais honnêtement, comment le jury de Cannes a-t-il pu donner la Palme d'Or à Dancer In The Dark, et non à In The Mood For Love??? Il y a quand même des choses qui relèvent de l'évidence, et ce film là en est une. En plus d'être une réelle leçon de cinéma, de présenter deux acteurs beaux comme on n'en avait pas vus depuis longtemps, ce film est si fort émotivement qu'il relègue les trémolos danois au fin fond du ridicule. Non, la seule explication est que Cannes est devenu un Festival pour réalisateur et non plus pour films. Il y a fort à parier que la prochaine fois que Wong Kar-Wai viendra à Cannes, il en reviendra palmé d'or! Mais bon, pour l'instant savourons le bonheur d'avoir enfin vu un très très grand film.

Hong Kong, 1962. Chow Mo-Wan, (Tony Leung Chiu-Wai), rédacteur en chef d'un journal, emménage dans un immeuble. Les temps sont spéciaux, et en cette pénurie d'appartements, les gens sont obligés d'habiter à plusieurs. Au même moment, Chan Li-Zhen (Maggie Cheung), secrétaire dans une compagnie d'exportation, emménage sur le même palier. Première rencontre, premiers échanges (erreur sur les meubles bien sûr..), le voyage commence... Chow et su sont mariés, et découvrent bientôt que leurs épouse et époux respectifs entretiennent une liaison. Pourquoi? Comment? Les questions se posent à eux, les intriguent.

Toujours la même question, qu'est-ce qui peut amener l'autre à nous tromper, à nous quitter? Li-Zhen et Chow vont alors commencer un jeu dangereux, essayer d'imaginer comment cette liaison adultère a pu commencer. Étrangers l'un à l'autre, ils vont peu à peu devenir complice, puis l'amour va se révéler, impossible, peut-être, nous n'en sommes pas certains, nous l'espérons... Tout ce dont nous sommes sûr, c'est que c'est amour n'a pas eu lieu au grand jour, Chow préférant, après avoir penser se venger de sa femme en séduisant Li-Zhen, et découvert qu'il était réellement amoureux, fuir à Singapour, puis au Cambodge, pour finalement revenir à Hong Kong.

Approche, contact, effleurement, évitement, voilà ce qui caractérisent leur relation. Le tout magnifié par la mise en scène absolument fabuleuse et hallucinante de Wong Kar-Wai. Il est clair que ce dernier maîtrise actuellement son cinéma, et qu'il en fait la leçon dans In The Mood For love Car leçon de cinéma il y a. Tout y passe, ralenti, arrêt sur image, contrechamp, travelling, une vraie récitation, cadrage, décadrage, miroir, mais quelle récitation! Le plaisir des yeux, le plaisir des gestes, des émotions... Les couleurs, les décors, tout est porté à son paroxysme, à son maximum, pour notre plus grand plaisir.

Nous montrer l'essentiel dans une relation amoureuse, voilà le but de Wong Kar-Wai. Parfait, il y a bien quelques scènes où l'on se sent un peu à l'écart du couple Maggie et Tony, comme si Wong Kar-Wai voulait les en nous préserver. Et d'un seul coup, au détour d'une musique, d'un ralenti, d'une simple image, l'émotion nous reprend, nous envahit. La beauté simple d'un amour naissant, prenant forme nous apparaît là, palpable sur l'écran, et l'émotion nous prend. Difficile de citer tout ce qui rend le film si beau. Ce qui rend les acteurs si touchant (à part leur réel talent), mais l'émotion est là. Une scène particulièrement, celle où su revient dans l'appartement, et où elle laisse couler une larme en se remémorant le temps passé. Là l'émotion touche juste, et on se dit que le cinéma ne va pas si mal que ça!

Zeni : Difficile d'échapper au dernier film de Wong Kar Wai tant le matraquage médiatique a été important. Mais ne jouons bas au rabat-joie et avouons que les éloges à propos de In the Mood for love sont amplement méritées.

Chan Li-Zhen (Maggie Cheung) aménage avec son mari, un homme d'affaire souvent à l'étranger, dans la même immeuble et le même jour que Chow (Tony Leung) dont la femme est également souvent absente. Dès le début, il y a mélange (affaires attribuées à l'un mais appartenant à l'autre). Et ils ne tardent pas à découvrir que leurs époux respectifs ont une liaison. Rapprochés par cette condition commune, Li-Zhen et Chow établissent entre eux une relation particulière afin de découvrir comment leurs époux ont pu les tromper.

Dire que la photographie est magnifique, la musique superbe et les acteurs tout simplement incroyables ne suffit pas à faire de In the Mood for love un film grandiose. Il est cependant indispensable de le préciser. Chaque image du film est semblable à un travail d'orfèvre où tout est parfait dans les moindres détails. Wong Kar Wai, au sommet de son art, utilise avec une maîtrise parfaite tous les effets qui sont souvent la cause de ratages monumentaux chez d'autres. Ainsi les ralentis, arrêts sur image, gros plans, travellings, hors champs et reflets (emprunt à Edward Yang) sont à la fois utilisés avec subtilité mais surtout au service de l'histoire afin de retranscrire à la perfection la relation de Li-Zhen et de Chow. Relation qui se veut mimétique de la relation entre leurs époux mais qui ressemble plus à un acte manqué et semble dès le début vouée à l'échec, justement car elle ne semble pas naturelle mais comme forcée par la situation. Ce lien invisible qui lie les deux relations parallèles est rendu par des hors champs (on ne voit jamais les époux de face) mais aussi par cette scène intense où Li-Zhen fait la répétition avec Chow, jouant le rôle de son mari, du moment où elle demande à son mari s'il a une maîtresse. La présence des époux est une pression constante qui pousse Li-Zhen et Chow l'un vers l'autre tandis qu'ils doutent et craignent de pas s'aimer sincèrement. Pression du temps également avec l'omniprésence des horloges tout au long du film qui vient comme signaler sans cesse que la fin est proche et que le temps est véritablement compté.

Redisons le une fois, si Wong Kar Wai arrive à toucher du doigt la perfection c'est certainement en grande partie grâce à ses acteurs. Maggie Cheung se voit offrir son plus beau rôle et voir cette scène où impassible, une larme vient lentement couler le long de sa joue prouve à quel point c'est une actrice hors paire.

Enfin, l'épilogue cambodgien bien qu'un peu déconcertant, vient conclure magnifiquement le film. On y voit Chow ayant fuit Hong Kong et désormais journaliste à Singapour. En voyage pour couvrir l'arrivée de De Gaulle au Cambodge, il va se promener au milieu de ruines. La rupture est brutale. Pour la première fois le soleil et la lumière du jour font leur apparition dans le film comme si on émergeait soudain d'un tunnel. C'est le sortir de la relation pour Chow qui va pouvoir enfin reléguer son aventure comme un simple souvenir (ce qu'il fait en confiant son secret à un trou dans un mur).

Si l'on peut reprocher quelque chose au film c'est certainement ses trop nombreuses autoréférences à la filmographie de Wong Kar Wai. On y retrouve très fortement l'ambiance de Nos Années Sauvages (les décors, les actes manqués, le temps, la pluie) ainsi que des éléments de Happy Together. On a même le droit à un petit clin d'œil à son prochain film, 2046. Mais In The Mood For love est le film le plus aboutit de Wong Kar Wai. On peut se demander comment il pourra faire mieux après mais on peut avoir foi en lui.

© Novembre 2000