Navigation Cho-Yaba

 

Cinema
Chroniques

Warning: Cannot modify header information - headers already sent by (output started at /mnt/116/sdb/a/4/zeni/acz/cinema.php3:4) in /mnt/116/sdb/a/4/zeni/acz/chroniques/films/kairo.php3 on line 10
Kaïro

KAÏRO

Kyoshi Kurosawa, 2001

avec Haruhiko Kato, Kumiko Aso.

Tom.D. / Brian Addav / Zeni

Tom.D : A Tokyo, un jeune informaticien se suicide. Ses amis et collègues se demandent quelles sont les raisons qui l'ont poussé à un tel acte. Dans leurs recherches, ils découvriront un site internet étrange. Dans Tokyo, les suicides et les disparitions se font de plus en plus fréquentes. Des jeunes tokyoïtes essayent de comprendre... mais tout ceci ressemble énormément à un cauchemar. Et les fantômes font leur apparition...

Premier film de Kiyoshi Kurosawa qu'il m'est été donné de voir, Kaïro m'a totalement envoûté. Cette histoire de fantômes intervenant dans notre monde par l'intermédiaire des nouvelles technologies telles que le réseau internet, nous fait le constat d'une société moderne qui par des moyens censés nous rapprocher les uns des autres ne fait finalement que nous éloigner. Un film qui traite de la communication ou plutôt du manque de communication entre les gens. Comme le dit l'un des protagonistes du film, on finit par ne plus parler de peur d'être mal interprété. On cherche de l'aide, et quand celle-ci est arrivée, on passe à autre chose et le contact se rompt. On recherche de la compagnie, mais même accompagné, on se sent horriblement seul. Tant d'aspects qui dans la vie d'un internaute se vivent quotidiennement.
Je perçois Kaïro, comme un film d'angoisse avec ses scènes chocs - le saut dans le vide d'une suicidée ; l'apparition du fantôme au visage flou et aux yeux terrifiants, mais Kaïro est, en arrière-plan, un excellent film sur les rapports humains d'aujourd'hui via les nouvelles technologies. "La mort est un éternel isolement", mais les êtres vivants, qui disparaissent de plus en plus, sont en quelques sortes des morts en sursis qui vivent déjà leur solitude. Et finalement un Tokyo vidé de ses habitants ou complètement saturé par l'affluence journalière, c'est du pareil au même.

Kaïro est bien autre chose qu'un simple film de terreur, c'est une métaphore sur la condition humaine des citadins d'aujourd'hui. Une grande oeuvre du cinéma de terreur, une ville fantôme comme on n'en a jamais vu. A voir absolument.

4/5

© Tom.D Mars 2002


Brian Addav : Kaïro, "circuit".

Présenté actuellement par les médias comme un jeune cinéaste, Kyoshi Kurosawa en est bien loin. Je serai incapable de vous donner le nombre exacte de film réalisé par ce "jeune" homme de plus de quarante ans, mais si on compte ses tous premiers films de "genre", on doit approcher de la quarantaine de film… S'il est considéré ici comme un cinéaste jeune, c'est surtout qu'on ne connaît de lui que trois de ses films, sortis l'an dernier en salle : le très grand Cure, License to live et Charisma (pas encore vu, argh…).
Et il nous revient ici avec Kaïro, film d'anticipation largement supérieur à Ring.
Pour éviter les malentendus, et expliciter les ressemblances, Kurosawa travaille sur ce film depuis sept ans, donc bien avant Ring, a refusé d'adapter Ring, et surtout est un grand ami de Nakata, réalisateur de Ring.

Les présentations étant faîtes, passons au film lui-même. Et autant le dire, ça fait longtemps qu'un climat insidieux de peur ne s'était installé sur un écran de cinéma. (Lost Highway restera pour longtemps l'ultime référence en la matière !)

Michi est botaniste et fait partie d'une équipe de chercheur. Un de leur informaticien leur a promis une disquette depuis quelques jours, mais semble en retard. Pour s'en assurer, Michi décide d'aller chez lui. Elle l'y retrouve, tout se passe bien, quand ce dernier décide de se pendre. Et commence l'épidémie…
De son côté, Kawashima, jeune étudiant en commerce, décide de se mettre à l'internet, et dès sa première connexion, tombe sur un site lui proposant de rencontrer des fantômes. Tout irait pour le mieux, si son PC ne se mettait à s'allumer tout seul, et à se brancher sur le site en question…
Que se passe-t-il dans donc à Tokyo ?
C'est la question que se pose, chacun de leur côté, Michi et Kawashima.
Leurs proches semblent se suicider, ou mourir les uns après les autres. Tokyo, ville animé, grouillante de monde, semblent n'être plus qu'une carcasse vide. A la solitude morale des citadins, se double une certaine solitude physique. Que sont tous ces lieux fermés de scotch rouge, scellé devrais-je plutôt dire. Et tous ces fantômes qui apparaissent librement dans Tokyo, en plein jours. Et ces disparitions de gens de plus en plus nombreuses…

Et l'angoisse de commencer à nous prendre. Quelles sont ces êtres enfermés dans la zone interdite qui semblent bouleverser ceux qui les ont approchés ? Pourquoi ce site internet ne proposant des webcams que sur des gens seuls.
Et si tout cela était inéluctable, et si tous les fantômes du Japon avaient décidé de nous prendre avec eux, d'investir notre monde, de nous révéler notre solitude réelle, caché par notre vie de citadin ?

Kurosawa réussit là où Nakata avait échoué, à partir d'une idée de base originale, liée au fantôme (ceux-ci devenant trop nombreux, décident de donner l'immortalité, cad la mort, aux humains, afin de pouvoir investir librement leur monde, causant par la même la fin de l'humanité), à nous maintenir en haleine jusqu'au bout. Bâtissant son film en spirale, partant d'un fait anodin, d'un détail, il nous entraîne vers une catastrophe universelle pour l'espèce humaine, dénonçant au passage la solitude dans laquelle nous vivons réellement, et nous rappelant surtout, pour nous citadins, que la mort existe toujours, même si la vie dans les grandes villes peut nous le faire oublier. Au passage, il manie à merveille l'angoisse, la peur, le frisson, mais ça, depuis Cure, on le savait déjà.

Très bon film d'anticipation, à ne pas rater.

© Brian Addav Mai 2001


Zeni : Il est difficile de parler de Kaïro, sans, du même coup, parler de Ring. Il faut dire que lorsque l'on aborde le thème du cinéma fantastique ou de terreur japonais, le film de Hideo Nakata peut difficilement être passé sous silence. C'est d'autant plus inévitable étant donné les liens entre Nakata et Kurosawa, qui ont songé ensemble à ce qui deviendra Ring pour l'un et Kaïro pour l'autre.
Mais si superficiellement et à défaut d'autres points de repères, on a eu tendance à rapprocher sans cesse Kaïro de Ring, il faudrait être aveugle pour n'y voir qu'un vague sous-produit. Et plus on y réfléchit sérieusement, plus Kaïro s'éloigne de son cousin Ring et acquière une puissance bien plus grande tant au niveau de la terreur engendrée que sur la thématique déployée.

Kaïro apparaît en totale cohérence avec la carrière de K. Kurosawa. Il ne s'agit donc en rien d'un film opportuniste, désirant uniquement bénéficier des retombées financières engendrées par la nouvelle vague de films d'horreur japonais. Les thèmes qui sont abordés dans Kaïro sont des thèmes que K. kurosawa a déjà évoqués à plusieurs reprises. De Charisma (qui constitue une véritable préquelle à Kaïro) à Vaine Illusion et en passant par Licence to Live, c'est l'éternel thème de la solitude et de la non-communication qui revient. Cette fois, pourtant, K. Kurosawa ancre sa réflexion dans l'actualité, s'intéressant avant tout à la vacuité des communications via le réseau internet.
Mais si K. Kurosawa cherche à réfléchir sur un thème sérieux, il n'en abandonne pas pour autant son amour pour le film de genre. Et c'est par ce procédé audacieux qu'il fait de Kaïro un des films actuel les plus passionnants et qui, n'en doutons pas, fera date.

Les fantômes n'ont plus de places chez eux et commencent à occuper l'espace des vivants. Afin que ces derniers ne connaissent pas les tourments dont ils sont victimes, les fantômes cherchent à les rendre immortels, ce qui revient à tuer les êtres vivants. Entrant en communication via une mystérieuse disquette et un site internet "fantôme" avec notre monde, ils provoquent une vaque de suicides étranges. Chacun de leur côté, Michi et Kawashima s'intéressent au phénomène.

Terrifiant. C'est avant tout ce que l'on pense de Kaïro. A la manière de Ring, c'est sur deux axes principaux et primordiaux que la terreur s'installe. D'une part le son sur lequel le travail fourni est tout simplement impressionnant et dont seule une vision du film en salle pourra vous faire pleinement profiter du jeu sur la stéréo, donnant lieu à des scènes incroyablement flippantes. D'autre part, c'est le contenu graphique du site fantôme. Comme la cassette de Ring, les images, mystérieuses, suffisent à elles seules à provoquer une peur viscérale. K. Kurosawa utilisant la vieille, mais efficace, équation inconnu=terreur. La réaction du spectateur est d'interpréter les images alors que finalement, celles-ci ne révèlent rien, elle ne font qu'augmenter la peur par l'ignorance de leur signification. Petit à petit, Kaïro dérive du film fantastique de terreur vers le film d'anticipation, version apocalyptique. Donnant ainsi lieu à un final qui marie poésie et horreur pure avec des images qui renvoient directement aux films de zombies ou de morts vivants. Le plus surprenant dans tout cela, c'est la réussite à tous les niveaux, quelque soit le genre de cinéma abordé. Film fantastique, d'anticipation, de terreur, de fantômes... tous les genres s'entrelacent avec le même talent. Sans oublier la dimension plus métaphorique.

Car Kurosawa ne veut pas que faire peur. A l'image de Lain, le film d'animation avec lequel Kaïro a de nombreux points communs (jusque dans certaines scènes quasiment copiées : le suicide d'une femme, l'omniprésence des câbles, des présences fantomatiques sur le réseau,...), il cherche à résoudre le problème posé par l'émergence d'une nouvelle forme de communication virtuelle. Il va même bien plus loin, puisque au Japon, la société a déjà passé le stade de se poser des questions, assimilant (ou se faisant phagocyter ?) sans réfléchir cette nouvelle dimension dans les relations humaines. Finalement la terreur est presque plus présente à ce niveau que celle, superficielle, d'une image que l'on ne comprend pas, que des faits inexpliqués.
Le constat que fait Kurosawa est d'ailleurs d'un redoutable pessimisme. Et il rejoins la conclusion de Charisma, à savoir que l'on se dirige droit dans le mur, à notre perte. Les hélicoptères de Charisma s'envolant vers la ville au bord de l'émeute sont remplacés par un avion sans pilote venant s'écraser sur une ville déserte. Que penser alors de la note d'espoir que constitue en soit le film, puisque raconté par des survivants ? Certainement plus un aspect pratique de témoignage comme en trouve souvent dans les films les plus apocalyptiques. Il faut un survivant (Je suis Légende, en est l'exemple parfait), l'homme ne pouvant pas se confronter à l'idée de sa propre disparition.

© Mai 2001