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King Of Comedy

KING OF COMEDY

Stephen Chow, 1999

avec Stephen Chow, Karen Mok, Cecilia Cheung, Ng Man-Tat

Ne traduisez pas trop vite le titre par son acceptation française car vous pourriez être surpris. Il faut ici prendre "comédie" au pied de la lettre, à savoir le jeu d'acteur. King of Comedy est donc plus proche de la comédie dramatique et de l'humour noir que de la franche rigolade.

Wan Tin Sau (Stephen Chow) est une travailleur social un peu naïf qui rêve de devenir acteur. Mais sa volonté d'affirmation et une poisse certaine le font prendre pour un amateur (un "extra") jusqu'au jour où il est remarqué par la célèbre actrice Cuckoo (Karen Mok). En attendant, il donne des cours de comédie à des personnes pour qu'elle soient plus compétentes dans leur métier (une prostituée, un malfrat) et tente de monter sa propre pièce de théâtre. Il tombe vite sous le charme de la prostituée (Cecilia Cheung).

Ce genre de films est souvent un exercice très périlleux pour un acteur. Porter un regard pertinent sur son propre métier d'acteur ainsi que sur le milieu dans lequel on évolue n'est pas une chose facile et beaucoup s'y sont cassés les dents. Mais Stephen Chow n'est pas un cabotin, loin s'en faut.

S'il utilise des astuces bien connues de la comédie telle la parodie avec une scène qui en parodie une de The Killer, King of Comedy est un film éminemment subtil et intelligent, parfois violent graphiquement mais aussi profondément noir. Le personnage joué par Stephen Chow est un peu le personnage-type de la comédie : naïf, poursuivant sans relâche un rêve, véritablement doué mais malchanceux, il tombe amoureux d'une prostituée qui abandonne son métier pour lui. A vrai dire, l'histoire à peu d'importance puisqu'elle ne sert que de prétexte à Stephen Chow pour égratigner le monde du cinéma (et les français !). Mais c'est surtout un film sincère à propos de ce que Stephen Chow semble aimer par dessus tout : jouer la comédie.

L'humour est évidemment présent tout au long du film (personnages caricaturaux tel ce jeune malfrat, le coup de la peau de banane, la scène hilarante de la morve...) mais sa présence est comme là pour mieux faire ressortir la tristesse inhérente aux divers personnages. On rit donc souvent jaune dans cette comédie. Car la vie des personnages n'est pas franchement joyeuse : Wan Tin Sau est obligé de donner des cours de comédie à un malfrat ou à une prostituée pour subsister, il est sans cesse humilier par un cuisinier, la prostituée trompée par son fiancé cache une jeune fille fragile et sensible. Même le star Cuckoo, capable de tourner des scènes d'action époustouflantes mais qui reste effrayée par un insecte, dévoilera sa faiblesse et le peu de poids que représente son statut de star en ne pouvant aider Wan Tin Sau. Les personnages sont tous de grands blessés et Wan Tin Lau l'est le plus mais garde un optimisme à toute épreuve. Optimisme et volonté de fer qui s'avéreront finalement payants.

Si les passages comiques sont classiques et très cantonnais, Stephen Chow s'avère être véritablement doué pour les passages dramatiques. C'est par quelques scènes simples et intelligentes qu'il fait montre de l'étendu de son talent, dans tous les registres. La scène avec la grand-mère tuberculeuse est ainsi d'une rare subtilité. Sans jamais tomber dans le mélodrame, les relations entre les personnages sont magnifiquement construites.

Et c'est sans compter sur l'irruption d'une violence parfois crue qui fait penser aux Frères Coen ou à Tarantino. Comme la scène où Wan Tin Lan joue le rôle d'un livreur pour un policier qui tourne au carnage sanglant. Peu importe le prétexte, le film balaie de cette manière caricaturale plusieurs genres de films : l'histoire d'amour romantique (scène du réveil dans la maison au bord de la plage), la comédie burlesque (humour basique voire raciste comme cette scène avec l'horrible client appelé le français tellement il est dégueulasse !), le policier (un gunfight bien senti), la comédie de moeurs (relation avec les personnes âgées, le travail social de Wan Tin Lau), le film de triade (la petite frappe réclamant l'argent pour la protection), le film de sabre (une scène dans un film, la pièce de théâtre)...

King of Comedy est donc un hommage superbe à un cinéma que Stephen Chow adore : le cinéma de HongKong. Par cette sincère déclaration d'amour, il arrive à nous faire partager sa passion avec intelligence, tout en sachant garder un regard objectif et nuancé sur l'industrie cinématographique (présence d'un certain M. Shaw, les clins d'oeil nombreux aux stars avec même l'apparition brève de Jackie Chan).

Magnifique film visiblement aussi mal compris à HongKong que le personnage de Wan Tin Lan dans le film