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La Chanteuse de Pansori

LA CHANTEUSE DE PANSORI

Im Kwon Taek, 1993

avec Kyu Chul Kim, Myung Gon Kim, Jung Hae Oh.

Avant la sortie de Chungyang de Im Kwon Taek dans quelques semaines et qui à pour sujet également le pansori, revenons sur un autre film de ce prolifique réalisateur dont le magnifique La Chanteuse de Pansori fût l'un des premiers films coréens à avoir eu une véritable résonance en Europe.

La Chanteuse de Pansori n'est pourtant pas un film évident pour le spectateur occidental puisqu'il le plonge en pleine culture coréenne dont il n'est généralement pas très familier. Mais c'est là la marque d'un grand film que d'arriver à transgresser toutes les barrières culturelles.

En Corée du Sud, dans les années 60, Dongho (Kyu Chul Kim) part à la recherche de sa demi-sœur Songwha (Myung Gon Kim), chanteuse de pansori. Dongho a vécu avec elle et son père Yubong (Jung Hae Oh) pendant toute son enfance avant de les quitter. Fils d'une femme veuve morte en couche alors qu'elle attendait un enfant de Yubong, Dongho est adopté par ce dernier, veuf par deux fois et qui a déjà une fille, Songwha. Récitant itinérant de pansori qui a vu sa carrière brisée par la jalousie de son maître, il erre de ville en ville dans la plus grande misère, ne vivant que pour son art. Art qu'il veut enseigner à tout prix à ses enfants. Dongho fera du tambour et Songwha deviendra une récitante, ainsi en a-t-il décidé. Maître tyrannique et dont l'existence est entièrement voué au pansori, il fait endurer une vie misérable et de durs entraînements à ses enfants. Dongho finira par craquer et le quitter en dépit de l'amour pour sa sœur. Celle-ci sombre dans la maladie et son père la rend aveugle pour la rendre dépendante.

Formidable cri d'amour pour cet art traditionnel coréen, La Chanteuse de Pansori est bien plus que cela. C'est avant tout l'histoire tragique et magnifique d'un homme qui a tout sacrifié pour le pansori et sacrifiera même sa fille quand il ne lui restera plus rien. Peu à peu l'existence de cet homme et sa fille rejoint les récits qu'ils content (ou bien est-ce l'inverse ?), de manière de plus en plus proches comme ce dernier chant déchirant contant l'histoire d'une fille et de son père aveugle. On a d'abord tendance à prendre Songwha en pitié et on admire un instant le courage de Dongho d'avoir pris son indépendance. Mais si Dongho a réussi a quitter ce père imposant, Songwha aurait pu faire de même. Sa décision, malgré sa cécité, de rester auprès de son père et maître est donc son choix, guidé par sa passion pour le pansori. Passion qu'il est difficile de satisfaire tant les temps sont durs pour un récitant. La jeunesse coréenne se désintéresse de cet art ancestral comme dans ce passage où des spectateurs quittent une représentation de pansori pour suivre une fanfare de musique occidentale (de même que la calligraphie, autre art en perdition). Yubong et Songwha représentent donc la quintessence de l'artiste dévoué à son art. A l'opposé des anciens amis de Yubong ayant préférer une voie plus occidentale pour l'argent et la célébrité. Désabusé, Yubong l'est certainement. Pas d'avoir ni l'argent ni la gloire mais simplement de voir mourir une pratique ancestrale à laquelle il a tout donné.

La sonorité du pansori et le rythme du tambour qui accompagne le chant ont de quoi déstabiliser le spectateur occidental peu habitué à ce type de musique. Mais il suffit d'écouter quelques secondes pour être littéralement envoûté par ce chant tragique et déchirant, parfois violent. Un chant qui demande un tel investissement de l'artiste, que celui-ci ne peut le réussir que si sa vie est elle même une tragédie, d'une profonde tristesse. Tristesse qui comme l'enseigne Yubong doit être elle-même dépassée. A ce titre, la scène finale est d'une beauté tragique stupéfiante. Tristesse mais aussi bonheur de l'interprétation comme dans ce passage où Yubong, Songwha et Dongho se lancent dans une représentation jubilatoire sans public, sur une route de campagne.

Im Kwon Taek réussit parfaitement à rendre en images le récit chanté qu'est le pansori. Exercice difficile que de porter à l'écran un art éminemment sonore mais que parvient à résoudre le réalisateur sans jamais tomber dans le larmoyant ou le mélodrame ni le pseudo documentaire. Une subtilité et une justesse de ton qui ravira tout spectateur, même les plus insensibles à la musique traditionnelle coréenne.