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Ring

RING (Ringu)

Hideo Nakata, 1998

avec
Nanako Matsushima .... Reiko Asakawa
Miki Nakatani .... Mai Takano
Hiroyuki Sanada .... Ryuji Takayama
Yuko Takeuchi .... Tomoko Oishi
Hitomi Sato .... Masami Kurahashi
Yoichi Numata .... Takashi Yamamura
Yutaka Matsushige .... Yoshino
Katsumi Muramatsu .... Koichi Asakawa
Rikiya Otaka .... Yoichi Asakawa
Masako .... Shizuko Yamamura
Daisuke Ban .... Docteur Heihachiro Ikuma
Kiyoshi Risho .... Omiya (Cameraman)
Masahiko Ono .... Okazaki
Yôko Ôshima .... Tante de Reiko
Kiriko Shimizu .... Ryomi Oishi

Brian Addav / Zeni


Brian Addav : Cas classique du film qui certes apporte au beaucoup au genre, voir le renouvelle complètement, mais qui n'en reste pas moins assez modeste dans son aspect cinématographique.
Pour le dire franchement, Ring est un bon film d'horreur pour adolescent. Malheureusement, on peut se sentir floué si l'on devient un tant soit peu exigeant en matière de cinéma. A l'instar du lamentable Projet Blair Witch, il est nettement plus intéressant de parler du phénomène Ring que du film lui-même.
Ce qu'on va quand même faire en quelques lignes, histoire de…

Reïko, jeune journaliste, apprend le décès d'une de ses nièces dans des conditions bizarres. Investiguant, elle entend parler d'une certaine rumeur. Une K7 vidéo mortelle. Toute personne la visionnant mourra dans les 7 jours. Tombant sur la K7, elle se retrouve donc menacé et fait appel à son ex-mari Ryuji (San Ku Kaï !) pour la sauver. Et surtout pour les sauver, elle et leur enfant qui a malencontreusement visionné la bande maudite. Et Reiko et Ryuji de se dépêcher de découvrir le secret de la K7, et son éventuel antidote.
De manière scientifique, ils vont essayer de décortiquer les différentes facettes du problème et réussiront , plus ou moins.
A partir d'une idée de départ on ne plus intéressante, Nakata pêche à nous fournir un film totalement prenant, réussi (ce qu'arrive à faire Kurosawa avec son Kaïro). Si on ne devait garder qu'une chose de ce film, c'est le contenu de la K7 elle-même, petit court métrage halluciné, effrayant. Âme même du film, pierre angulaire sur laquelle se base toute l'histoire. On remerciera d'ailleurs les concepteurs du DVD de nous avoir rajouter ce film, à part, en bonus.
Il faut quand même reconnaître à Nakata une certaine ambition dans son propos visuel. Zeni vous a largement expliqué en quoi l'apport du film était important, par sa manière de déconstruire les effets, de jouer sur les non-dit, les non-vus pour renforcer le climat de peur du film, je ne vais pas y revenir.
Sauf sur un point, Nakata a parfaitement digéré l'œuvre de David Lynch, Twin Peaks notamment, pour le visuel, mais son travail sur le son est aussi très proche de celui réalisé par Lynch sur Lost Highway.
On regrettera seulement que Nakata n'ait pas eu plus d'inspiration pour nous fournir un réel objet de peur. C'est dommage. D'autres le feront à sa place !

© Brian Addav Mai 2001

Zeni : Outre le succès énorme du film en Asie, il est intéressant de se pencher sur le cas Ring par la vague nippone de films d'horreur qu'il a déclenché. Jusqu'ici, rares étaient les films à avoir réussis à se montrer d'un niveau suffisamment élevé pour laisser augurer d'un tel film. Car si l'on peut ne pas aimer Ring, il est difficile de ne pas rester insensible à l'apport de ce film au genre, à savoir au cinéma d'horreur.

L'idée de départ est en fait assez simple. Une rumeur circule comme quoi une cassette vidéo provoquerait la mort de ceux qui la visionne, une semaine exactement après le coup de téléphone qui suit le visionnage de cette étrange cassette. Reiko travaille pour la télévision et lorsque qu'une de ses nièces meurt dans des circonstances étranges, elle essaie d'en savoir plus.

Hideo Nakata a fait le pari risqué de ne rien montrer. A l'image de la scène d'ouverture où rien de l'horreur, en termes purement visuels, n'est montré, le film distille un sentiment de peur qui semble devenir de plus en plus puissant une fois la vision du film terminée. Preuve que les quelques effets plus classiques tels que les sonneries de téléphones à répétition, ne sont pas le coeur de l'horreur et que celle-ci est présente à un autre niveau, plus inconscient, moins perceptible et surtout difficilement identifiable. Si l'image n'est pas le vecteur principal de la peur (quoique, comme j'y reviendrais, les images de la fameuse cassette sont également porteuses de ce sentiment), elle est relayée par un travail sur le son véritablement glaçant. Distordu, grinçant, dissonant, jamais mélodieux ou stéréotypé, il crée à lui seul une atmosphère de tension permanente et à tendance à mettre les nerfs à vif. Plongé dans cette ambiance, le spectateur n'a plus besoin de grand chose pour tressauter. Et Hideo Nakata l'a bien compris. A l'heure où l'image est banalisée, galvaudée et perd de son sens (ou en prend un autre), c'est le son qui devient le porteur de l'information, qui véhicule l'expression des sentiments, de peur dans le cas présent. Si c'est bien la cassette qui semble à l'origine des décès, et notamment le fait de regarder les images obscures qui y sont contenues, c'est bel et bien dans le son de la sonnerie du téléphone qu'est contenu l'information. C'est-à-dire que ce n'est que si le téléphone sonne que la victime comprend. Il n'y a pas de prise de conscience par les images seules. Ces dernières sont comme dénuées de sens et ne prennent toute leur importance que par l'appel téléphonique. Paradoxalement, si l'on prend connaissance des images de façon détaillée au cours du film, le contenu de l'appel téléphonique reste mystérieux. On retourne donc aux origines de l'horreur et de la peur. Cette dernière n'apparaît que du fait de la non connaissance, de l'ignorance. Une fois le phénomène mystérieux décortiqué et compris, ce dernier perd de son caractère mystérieux. C'est d'ailleurs ce à quoi s'attache Reiko et son ex-époux Ryuji (Henry Sanada) durant toute la durée du film.

Si le son est d'une importance primordiale, Nakata réussi un deuxième pari. Car s'il ne montre rien des causes des décès ni du modus operandi (le film ne contient pas une goutte de sang) et ne dévoile que les effets (les visages, comme le son, sont distordus), l'intégralité des images de la cassette nous est dévoilée, dans les plus petits détails. Énigmatiques au début, elles sont peu à peu décryptées. A la première vision, avouons qu'en dépit de leur caractère obscur, les images sont d'une force incroyable. Floue, de mauvaise qualité, suite sans signification apparente, la vidéo crée un effet au moins aussi efficace que le son.
On peut d'ailleurs y voir un questionnement sur l'impact des images et plus précisément de la télévision. D'abord, rappelons que Reiko travaille dans le milieu des médias et que la légende parle d'une émission "pirate" qui diffuse l'étrange vidéo sur un canal de la péninsule d'Izu. Le lien avec la télévision, maintenu du fait que Reiko réalise une enquête journalistique, est donc net. Sans pour autant vouloir absolument y percevoir une critique des médias, le film pose certaines questions sans véritablement, pourtant, y répondre. Le pouvoir de la cassette est comme une métaphore de celui des médias et le lien entre ces derniers et l'origine de la cassette apparaît au cours de l'enquête. En analysant dans leurs moindres détails les images de la cassette, les deux enquêteurs sont persuadés qu'ils vont mettre à nu le mystère que la cassette contient et, par là même, par la compréhension qu'ils en auront, désamorcer la malédiction. La méthode employée par Reiko et Ryuji et celle de cette émission de Arte, "Arrêt sur Images", où des journalistes décortiquent des images des journaux télévisés dans la ferme intention d'y trouver un sens caché. Mais y-en a-t'il vraiment un ? C'est également la question posée par Ring.

Poussons un peu plus loin l'analyse et notamment le rapport à l'image et au téléphone. L'image télévisée, surtout dans le film, est comme une manière d'apporter quelque chose de public dans la sphère privée. Le fait que la séquence vidéo puisse être visible par n'importe qui en allumant la télévision, désamorce, a priori, tout aspect inquiétant, menaçant. Si cela passe à la télévision, pourquoi serait-ce faux, pourquoi serait-ce dangereux ? Par sa nature faussement explicite, l'image est à la fois diablement trompeuse mais surtout loin d'être inoffensive. Le téléphone, quant à lui, est un moyen de communication non pas du public vers le privé mais du privé vers le privé. Lorsque le téléphone sonne, on ne s'attend pas à être véritablement surpris, et surtout pas désagréablement. La réaction est d'ailleurs souvent agressive lorsque l'on a à faire à un démarcheur, par exemple. Le téléphone réalise un lien (presque physique, puisque l'on notera la quasi absence de tout téléphone portable et le recours exclusif au téléphone filaire) avec l'interlocuteur. C'est comme d'ouvrir sa porte à un inconnu. On laisse une chance à l'inconnu de pénétrer la sphère privée. Au contraire de la télévision, il y a une interaction, une interactivité. Si les moyens sont les mêmes pour se protéger (éteindre le poste, raccrocher), la sonnerie du téléphone devient, déjà, le signe, la preuve d'un contact établi. Le téléphone se manifeste inopinément (c'est l'autre qui vient à soi) tandis que la télévision nécessite une démarche active du spectateur (c'est le spectateur qui pense regarder le monde par le truchement de son écran). Ici, le rapport est inversé et devient dangereux par le fait de l'ignorance de l'inversement de ce rapport. Cronenberg avait déjà expérimenté cet inversion du rapport dans Vidéodrome, de manière viscérale. Ring utilise à la fois l'inversement de ce rapport mais, le visionnage restant un moyen actif (par la cassette) où le spectateur se plonge lui même, par sa seule volonté, dans un monde virtuel, le complète par la présence (l'omniprésence) du téléphone qui devient le véritable vecteur de la menace. Le titre même du film n'est pas innocent et Ring se révèle incroyablement passionant de ce point de vue, dans son exploration de ces thématiques.

Cependant, Ring ne parvient pas tout à fait à convaincre dans son intégralité. Certaines scènes de la dernière partie s'évertuent à trop montrer et s'avèrent, justement, les moins bien réussies. C'est justement quand Nakata à recours à des schémas conventionnels du genre que Ring devient un banal film d'horreur et surtout, que le sentiment de peur disparaît. Ring fonctionne là où, de manière parfois très identique, David Lynch avait également réussi, dans la série Twin Peaks notamment. On peut d'ailleurs se demander si Hideo Nakata n'a pas vu et revu la série de Lynch, tant certaines scènes en sont clairement inspirées (technique du tournage à l'envers, sentiment de peur basé sur des effets qui entretiennent le mystère plus que sur un visuel explicite). La référence n'en reste pas moins flatteuse et Nakata ne se contente pas, heureusement, de recopier comme le ferait en élève studieux.
Le rapprochement de Ring, un film, avec une série télévisée n'est d'ailleurs pas innocent. Par divers aspects, et par sa construction même, Ring donne l'impression d'être un pilote de série télévisée. Il pose beaucoup de questions, apporte peu de réponses et pose les bases d'une suite et de développements futurs. Suite qui ne tarda pas à venir, puisque Ring 2 fut tourné dans la foulée puis vint Ring 0, une préquelle.

Ring trouvera autant d'admirateurs que de détracteurs. Il reste qu'on ne peut lui enlever une certaine originalité au niveau du traitement de la peur et de l'horreur au cinéma. De plus, il reste nettement plus convaincant que les slashers américains ou autres, avec leur gimmicks usés jusqu'à la corde. En apportant un renouveau au genre, Ring se pose en film fondateur (voir la vague des films nippons d'horreur qui continue de déferler). Il n'en reste pour autant pas exempt de défauts. Initiateur, il engendre des copies sans intérêts mais aussi donne un point de départ à des projets plus ambitieux tel que le très attendu Kairo de Kyoshi Kurosawa, qui réalise là un retour au film de genre.

Remarque : on notera la présence (et le retour) de Hiroyuki "Henry" Sanada à l'écran, cette fois, barbu. Rappelons qu'il était le héros de la série San Ku Kai.

© Avril 2001