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Samouraï Assassin

Samouraï Assassin

Kihachi Okamoto, 1965

>> lisez le superbe et documenté dossier (en anglais) sur le film publié par AnimEigo <<

 
avec
Toshirô Mifune .... Tsuruchiyo Niiro
Keiju Kobayashi .... Kurihara Einosuke
Michiyo Aratama .... Okiko Kukuhime
Yunosuke Ito .... Hoshino Kenmotsu
Koshiro Matsumoto .... Ii Naosuke
Susumu Fujita .... Todo Tatewaki
Eijirô Tono .... Kisoya Masagoro

Parmi les grands oubliés du cinéma japonais (et ils sont nombreux) figure un certain Kihachi Okamoto. Pour s'en convaincre, il suffit de voir le peu de cas dont fait Max Tessier dans son ouvrage Images du Cinéma Japonais à propos de ce réalisateur. Pour lui, Samouraï Assassin n'existe pas ! Pourtant, il s'agit là d'un des films les plus flamboyants que nous ait offert le cinéma de genre japonais. Paradoxalement plus hermétique et plus accessible que Harakiri de Kobayashi, Samouraï Assassin est un film grandiose qui n'a pas eu le droit à l'étiquette "auteurisante" dont a bénéficié son cousin Harakiri.

Le principal problème de Samouraï Assassin provient de son caractère très hermétique pour qui n'a pas quelques notions d'histoire japonaise ou n'est pas familier des mots japonais. A vouloir ancrer profondément son récit dans un contexte réaliste et historique, Okamoto noie d'emblée le spectateur sous une profusion de détails. Lignages, lieux, dates, événements se succèdent dans la bouche du conteur (en voix off) et des personnages, sans que l'on puisse un seul instant décrocher les yeux des lignes de sous-titrage qui défilent, impassibles. La première demi-heure demandera certainement plusieurs pauses et retours en arrière pour être pleinement appréciée et surtout, pour pouvoir apprécier la suite. Suivant un rythme propre au genre, Okamoto ne nous offre aucune scène de combat au sabre pendant la quasi totalité du film avant que ce dernier n'explose dans une impressionnante (visuellement mais surtout conceptuellement) scène finale.

1860, Niiro (Toshiro Mifune) est un ronin qui rêve de gloire en tant que samouraï. Enfant adopté ayant fuit sa famille et sa mère maintenant décédée, il n'a de cesse que de trouver un moyen d'être promu à un haut rang. Il va jusqu'à refuser l'amour d'une femme. Il pense trouver le moyen de parvenir à ses fins en se mettant au service d'un clan et de ses alliés qui ont le dessein d'assassiner un haut dignitaire du Shogunat pour prendre sa place. Niiro en vient à se lier d'amitié avec un samouraï lettré (Kurihara) ayant étudié la philosophie occidentale et qui désire, par idéologie, abattre le système du Shogunat. Tandis qu'un plan d'assassinat se prépare, la présence d'un traître se fait certaine. Le chef du clan rebelle charge des hommes d'enquêter sur Niiro et Kurihara, principaux suspects.

L'ensemble du film n'est donc qu'une longue enquête détaillée sur les deux hommes. Elle nous permet d'apprendre les réelles motivations qui poussent les deux suspects à se mettre au service d'un même dessein avec pourtant des buts très différents. D'un côté, Niiro ne rêve que de gloire, chose qui n'est possible qu'au sein du système du Shogun. En voulant abattre l'oficiel Shogunat, Niiro compte permettre à d'autres clans dont il est l'allié d'accéder au pouvoir, lui permettant d'être promu à un haut rang. De l'autre côté, Kurihara, ne vise qu'à la destruction du système du Shogunat. Pour lui, le Japon ne peut évoluer vers plus de prospérité et de justice que s'il s'ouvre sur l'occident, ce à quoi s'oppose farouchement le Shogun. Niiro, totalement aveugle par rapport aux conséquences qu'engendreront sans nul doute son geste d'assassinat, devient un ami de Kurihara. Ce dernier semble apprécier sincèrement Niiro mais est convaincu que l'acte de Niiro ne peut aller que dans le sens de ses propres ambitions idéologiques.

Parallèlement à cette enquête et à la préparation de l'assassinat, Niiro cherche à savoir l'identité de son père. Persuadé que celui ci est de haute lignée, il ne parvient pourtant pas à convaincre son père adoptif à lui avouer la vérité. Le spectateur se doute assez vite de l'identité réelle du père de Niiro mais ce dernier ne l'apprendra jamais.

La tension monte lentement et la date fixée pour l'assassinat s'approche. Un premier drame se joue lorsque Niiro est amené à assassiner son ami Kurihara, convaincu que ce dernier est le traître. Surtout, croyant voir là un risque de voir ses chances d'accéder à la richesse disparaître, il ne prend pas le temps de la réflexion et assassine sans beaucoup d'hésitation son meilleur et seul ami. Il ne s'apercevra de son erreur que plus tard. Pourtant, il reste totalement obsédé par l'idée de trancher la tête du dignitaire. Déjà, il a basculé dans une sorte de folie meurtrière et c'est avec impatience que l'on attend la scène finale. Niiro et ses alliés ont tendu une embuscade au palanquin du Shogun. La neige, inhabituelle à cette époque, ne cesse de tomber. Niiro, qui vient d'échapper à une tentative d'assassinat fomentée par ses propres alliés arrive en retard mais la palanquin n'est pas encore visible. Niiro se doute des vrais commanditaires de son assassinat mais le moment est trop important pour régler ce genre de détails ! On voit là à quel point Niiro n'est plus qu'une bête assoiffée de pouvoir et d'argent (il ne pense qu'à son futur traitement durant tout le film).

L'hallucinant et sanglant combat final.

Le palanquin approche, entouré de nombreux gardes du corps. Les rebelles se préparent. Une arme à feu est visible. C'est déjà la présence de l'occident qui infiltre le Japon et qui est du côté des rebelles. L'affrontement est chaotique, violent. Le combat est plus celui de chiffonniers qu'un affrontement de guerriers samouraïs. Chaos et panique au beau milieu duquel trône le palanquin qui ne voit ni n'est vu.

L'officiel du Shogunat :"Imbéciles ! Cela signifie qu'il n'y pas de futur au Japon pour les samouraïs"

L'official, à l'intérieur, sait ce qu'il se passe. Dans une situation qui est celle de toute sa vie, coupé des réalités du Japon des petites gens et vivant dans son petit monde surprotégé. Il a ce commentaire lucide "Imbéciles ! Cela signifie qu'il n'y pas de futur au Japon pour les samouraïs". Cet homme a compris que son règne est fini et avec lui le système du Shogunat. Il est stupéfait de voir des hommes vivant du système détruire ce dernier par cupidité.

La blessure par balle du dignitaire.

Survient alors la blessure. Non pas infligée par un sabre mais par une balle. Elle a traversé le rideau du palanquin, venue d'on ne sait où. C'est encore l'occident qui vient, invisible mais dont les effets sont dévastateurs. Il infiltre le Japon renfermé sur lui même et vient porter les premiers coups à la toute puissance du Shogun.

Des morts à ne plus compter.

La carapace est percée mais c'est de l'intérieur que viendra le coup de grâce. Le chef du clan rebelle meurt dans la neige. Lui aussi était un élément de l'ancien système. Lui aussi doit mourir. La neige qui recouvrait le sol est maintenant recouverte de corps, d'agonisants. Niiro finit par atteindre le palanquin dont il extirpe l'homme. Son geste est presque mécanique, déterminé. La tête est dans ses mains, tranchée. Il a un rire fou. Il plante le tête sur son sabre et riant, il l'exhibe à un parterre de corps. Seul lui est vivant, persuadé de sa victoire. Mais qu'est-il maintenant ? Un homme hurlant sa victoire de fou sur un système qu'il voulait utiliser. Et cette tête, symbole du Shogun, sait-il que c'est celle de son père ? Non, bien sûr. Ironie toujours présente dans la chambara. Cet homme n'a rien compris, aveuglé par l'attrait de l'argent et du pouvoir. Et il rit. Il semble même qu'il danse sous la neige.

Niiro : "Je ne laisserai pas cette tête à moins de 200 kokus"

Que rajouter après une telle scène ? Samouraï Assassin est le genre de film qui vous donne cette furieuse envie de les projeter à la face du monde en disant : voilà ce que c'est que le cinéma.

© Janvier 2001