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Female Convict Scorpion

FEMALE CONVICT SCORPION - JAILHOUSE 41 (Joshu sasori dai 41 zakkyobou)

Shinya Ito, 1972

avec Meiko Kaji, Kayoko Shiraishi, Hiroko Isayama, Yukie Kagawa, Hosei Komatsu, Fumio Watanabe.

Film surtout bâti sur la personalité de Meiko Kaji, Female Convict Scorpion est aussi un film somptueux et révolté, qui s'attaque de front à l'Etat et à la gente masculine.

Ceux qui ont déjà visionné un film avec Meiko Kaji (notamment les Lady Snowblood), seront certainement d'accord avec moi, cette actrice agit comme une drogue. On l'a vue une seule fois et c'est avec une fébrilité certaine que l'on recherche sa présence dans d'autres films. Actrice imposante par son incroyable charisme, Meiko Kaji joue pourtant des rôles souvent peu loquaces. Et c'est justement là sa force, savoir s'imposer par sa simple présence, par un regard qui vous cloue dans votre fauteuil. Disons le sans détour, Meiko Kaji a le plus incroyable (non pas vraiment beau, adjectif tant galvaudé, mais plutôt captivant) regard du cinéma. Et ceci ne souffre pas la discussion.

Female Convict Scorpion est en fait le second volet d'une série ayant pour personnage principal la vénéneuse Matsu / Sasori - Scorpion en japonais, évidemment interprété par Meiko Kaji. Le film débute avec Matsu, détenue dans une prison de femme. Mais Matsu parvient à s'enfuir avec six codétenues. Commence alors une folle échappée pour le groupe, traqué par toutes les polices du Japon.

D'entrée de jeu, le décor est planté. Matsu, dans un cachot humide et sale, enchaînée, tient une cuillère à la bouche qu'elle frotte méthodiquement contre le sol pour en faire une arme mortelle. Ses cheveux noirs traînent au sol, ne laissant que transparaître un regard tout aussi noir, où on lit toute l'obstination de cette femme et sa force incroyable. Déjà, le magnétisme a agit, il ne sera plus possible de vous en défaire. Tout la haine contenue en Matsu est évoquée par ce simple regard. On ne songe qu'à une chose : ne pas être l'objet de cette haine, de cette violence qui s'est accumulée au fil du temps passé dans ce cachot puant, à ruminer sa vengeance.

Tout l'intérêt de Female Convict Scorpion, outre la présence de Meiko Kaji, est son propos violent, notamment son féminisme revendiqué, sa subversion incroyable et sa charge frontale contre les institutions de l'État. Dans une société japonaise étouffée par le poids des traditions et profondément machiste, ce sont les femmes qui souffrent le plus, et en prenant pour personnages principaux, sept femmes, Shinya Ito place d'emblée son film dans le domaine de la subversion (nous sommes au début des années 1970). Tous les hommes, sans aucune exception, sont des salauds, des sadiques ou des violeurs, alliés objectif du pouvoir et de la répression (pas de femmes matons dans la prison, uniquement des hommes). Et si la police, bras armé du pouvoir, est la première cible visée par la furie des sept femmes, elle n'est pas la seule. C'est à toute la société masculine dans son ensemble qu'en veulent ces femmes. Ainsi, la rencontre avec des salarymen en voyage, sera l'occasion de voir qu'ils ne sont que d'odieux pervers, dont la seule gloire et preuve de leur puissance virile, est d'humilier les femmes. A cette occasion, on perçoit également que le film évite subtilement le manichéisme le plus extrême. Dénonçant la société basée sur la domination masculine, Female Convict Scorpion s'en prend également à l'apathie des femmes qui acceptent cet état de fait et leur condition de femmes soumises. D'ailleurs, une des prisonnières, désire ardemment retrouvé son petit ami, seul objectif de sa fuite de la prison. Elle sera la première à mourir, violée, son sang teintant de rouge l'eau d'une cascade. Punition ? Certainement, car la "cause" que défendent, sans en avoir conscience, les prisonnières échappées ne souffre pas le compromission avec l'ennemi, l'homme.

Mais Female Convict Scorpion ne serait pas aussi flamboyant s'il n'était pas également une réussite au niveau de la mise en scène et de la photographie. C'est du cinéma, et un discours politique ne peut se suffire à lui même. Shinya Ito déploie son talent dans de multiples domaines. Le début est un film de prison assez classique, avec son chef sadique qui ne pense qu'à se venger de Matsu. Puis le film quitte cet univers pour le road movie, à pied. Une échappée parsemée d'étapes qui sont autant d'occasions pour des "tableaux". Il est difficile d'oublier cette scène d'une beauté stupéfiante, du visage de Matsu sur fond de feuilles d'automne. La couleur jaune contrastant avec le noir des cheveux et des yeux de Matsu. D'autres scènes de ce genre émaillent le film, comme celle, déjà évoquée, de la chute d'eau se teintant de rouge.
On peut parler de tableaux en ce qui concerne la beauté de certaines scènes, mais il serait plus judicieux de parler de scénettes pour d'autres. Ces dernières sont des scènes qui empruntent au théâtre. Le décor disparaît, pour ne laisser qu'un fond noir. C'est sur ce principe qu'est bâti la scène où l'on apprend le passé de chacune des prisonnières, sauf celui de Matsu. Cette lacune rend tout possible à l'imagination. Les crimes qu'a commis Matsu sont à tel point odieux, que même sans en parler, on sait que ceux, pourtant horribles, de ses camarades, ne sont que pacotilles.
Cette scène marque également la profonde différence entre Matsu et les six autre femmes.
Matsu est une solitaire, elle suit un but on ne peut plus précis, et ne porte aucune attention aux autres, qui d'ailleurs lui causeront plus de problèmes qu'autre chose. La scène du bus en est la meilleure preuve. Son obstination ne connaît aucune barrière. Elle incarne la noble vengeance, la combat justifié par l'injustice dont elle a été victime. Anarchiste Matsu ? Finalement pas tant que ça, du moins pas d'un point de vue idéologique. Elle ne se bat pas pour une société meilleure mais pour elle seule. De ce point de vue, il est impossible de la considérer pour une anarchiste. Cependant, elle incarne une sorte d'icône. Un modèle de la rebelle. Obstinée, jusqu'au-boutiste, alimentée par la soif de justice et le combat contre l'oppression, étatique et masculine. Là oui, Matsu est une anarchiste.

Outre la beauté de certaines scènes, le rapport au théâtre, Female Convict Scorpion va piocher dans bien des genres différents, pour créer un tout à la fois cohérent et original. Films de fantômes japonais pour une scène dans un village abandonné, films italiens à la Bava (Opération Peur) pour la scène finale, western spaghetti pour ces scènes superbes de fuite, chambara bien sûr pour la violence gore de certaines scènes, .... La liste serait trop longue.

Female Convict Scorpion est un film rare qui parvient à marier avec bonheur un discours subversif puissant, à la résonance anarchiste, avec des éléments issus aussi de toutes sortes de genres. Un film libérateur.

A lire >> le billet de Christian sur le sujet.

© Juin 2001