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Shin Jingi no Hakaba

SHIN JINGI NO HAKABA (Le Nouveau Cimetière de la Morale)

Takashi Miike, 2002

avec Goro Kishitani, Narimi Arimori, Ryouke Miki, Shingo Yamashiro, Renji Ishibashi, Daisuke Ryu, Tetsuro Tamba.

Reprenant le roman de Goro Fujita qui avait servi de source au superbe et noir Jingi no Hakaba de K. Fukasaku, Takashi Miike nous livre bien plus qu'un simple remake. Son Nouveau Cimetière de la Morale est une interprétation toute personnelle du roman qui parvient même à occulter le pourtant passionnant Agitator, son film précédent.

Comme le roman, le film de Miike décrit l'ascension et la chute d'un yakusa incroyablement violent et impulsif. Cependant, si le roman situait l'action dans le chaos de l'après-guerre, Shin Jingi no Hakaba le transpose dans les années 90. Mais l'esprit reste le même. L'explosion de la bulle économique, la fin du rêve pour beaucoup de japonais et des incidents tel que l'attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo créent une situation analogue, mais loin d'être identique et toutes proportions gardées, au Japon d'après-guerre. En évitant de forcer sur le parallèle, la transposition opérée par Miike - on notera que le script est de Shigenori Takeshi qui avait déjà écrit celui d'Agitator, n'en est que plus crédible. Car le véritable objet du film est Rikuo Ishimatsu (Goro Kishitani).
Serveur dans un bar, il entre dans l'organisation criminelle âpres avoir sauve la vie, presque par hasard, d'un chef yakusa. Son efficacité et sa loyauté lui permettent de gravir très vite les échelons mais, rapidement, sa nature violente, nihiliste voire autodestructrice, va le conduire à une lente chute, précipitée par la drogue. Rikuo est une véritable brute incapable d'exprimer ses sentiments autrement que par la violence - comme un enfant gâté à qui tout est dû, il se sert. Ce qui s'applique à l'argent pour des criminels, il l'applique à tout, de l'amour à l'amitié. Ainsi cette terrible scène de Rikuo chantonnant, on est en réalité plus proche du râle qui fait froid dans le dos, dans un karaoke en attendant la venue de la femme (Namiri Arimori) qu'il a choisi peu auparavant et qu'il finit par violer sans avoir pris la peine d'echanger le moindre mot - il avait auparavant chargé un de ses hommes de remettre sa carte de visite à la femme, hôtesse dans un club. La brutalité de Rikuoémerge dans chacune de ses actions. Un être excessif qui ne connaît aucune limite, ni pour lui, ni pour les autres. Sa chute dans la drogue est ainsi sans concession, achevant de le détruire, lui et son amante.
Le film porte également un regard amer sur la société japonaise et plus particulièrement sur les yakusa, vu comme une constante du Japon réactionnaire, contrairement à ce que pensait Rikuo, croyant trouver dans ce milieu un terreau à son insatiable besoin de liberté. Rikuo est dépeint comme un monstre, en tant qu'il n'intègre pas les structures sociales et morales de la société, mais Miike évite le piège de faire de lui un simple produit de cette société. Rikuo est un être trop épris de liberté pour qu'aucune société puisse l'accepter en son sein. En ce sens, lorsqu'il se drape, drogué, dans l'étendart nippon, il n'y a pas lieu d'y voir une quelconque subversion envers l'Etat japonais. Non, Rikuo n'a jamais été anarchiste mais un nihiliste qui ne s'accomode d'aucun système, fut-il criminel.

Le film doit beaucoup aux acteurs, Goro Kishitani tout particulièrement, mais aussi Narimi Arimori. Goro Kishitani est absolument stupéfiant (sans vilain jeu de mots) et les scènes de folie sous l'emprise de la drogue sont d'une puissance peu commune, notamment lorsqu'il est pris d'un violent délire en écoutant du grind. Il en est de même des scènes silencieuses où les amants s'échangent des regards où se lisent des sentiments contradictoires entre folie, tristesse et cette curieuse et paradoxale impression de véritablement vivre. Des scènes qui sont également redevables à la réalisation de Miike, au meilleur de sa forme.
De ce point de vue, Miike évite en effet toute les erreurs d'Agitator, qu'il transcende pour offrir un des tous meilleurs films de yakusa depuis longtemps. Un film paroxysmique qui laisse le spectateur pantois. Évidemment, on retrouve bien le style de Miike : effets gore, gunfights, quasi absence de femmes à l'écran, violence envers ces dernières, mais aussi un contraste saisissant entre la forme - brutalité, drogue, ... et le fond : Shin Jingi no Hakaba ne serait-il pas, après tout, qu'un superbe hommage à la vie et à la liberté. ?

Pour conclure, du côté des clins d'oeil au film de Fukasaku, on en trouve principalement deux : les images d'archives qui resituent le contexte particulier et surtout la scène finale du suicide qui rend hommage au maître tout en étant une scène typiquement Miikienne - des hectolitres de sang se déversent du toit où vient de s'écraser Rikuo. Sans pour autant céder à son goût pour le film d'exploitation et le délire, on retrouve un Miike aussi convaincant que dans Bird People of China ou Dead or Alive 2. C'est dire.

© Juillet 2002