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Summer Holyday

SUMMER HOLYDAY

Jingle Ma, 2000

avec Sammi Cheng, Richie Jen.

Considéré par beaucoup comme le cinéaste Hongkongais de l'an 2000, Jingle Ma, après le phénomène Tokyo Raiders, son fameux polar post-moderne, s'offre en quelque sorte des vacances. Admirateurs et détracteurs l'attendant au tournant, Jingle Ma nous gratifie d'un film qui, dans sa filmo, fait un peu office d'Eté de Kikujiro : une soupape de décompression.

Véritable contre point du film qui dans les milieux branchés répond au nom de TR, Summer Holyday est un peu un paradoxe dans l'œuvre de Jingle Ma. En effet, sa touch personnelle semble s'être fait plutôt discrète, voire effacée. Conscient qu'un Hot War ou un TR bis aboutirait à une impasse stylistique, le cinéaste évite la facilité de l'auto-parodie et explore de nouvelles voies. On sait trop que même WKW - avant d'être devenu un sigle et une pouliche de festivals, du temps où il était encore, lui aussi, un grand inventeur de formes - n'avait pas réussi à éviter ce piège dans Fallen Angels. Fort de cet exemple, l'ancien chef op' Jingle Ma offre une véritable réflexion sur la question du style. Les premières minutes d'ouverture sont en fait une citation directe de TR où il recourt à son fameux effet dit du fast forward / rewind sur fond de musique légère d'inspiration sud-américaine. Toute la subtilité tient au subtile décalage de contextes : ici nous ne sommes plus dans les rues mal famées de la mégalopole tokyoïte mais sur une plage ensoleillée de Malaisie. Certes les personnages sont toujours aussi cools et la question de la déterritorilaisation se lit toujours en filigrane, mais la ressemblance s'arrête là. Car, ici c'est à un genre encore inédit pour lui que le maître s'attelle, après un thriller futuriste, un mélo flamboyant et un polar bientôt classique : le film de plage. Et Jingle Ma de mettre à bas tous ses anciens canons esthétiques. Fi de l'hystérie urbaine ; le film s'étale gracieusement, se regarde filmer. Le génie des grands, c'est de réussir, même à travers un film de commande à imposer une esthétique sinon novatrice, du moins marquante. Véritable véhicule pour les belles voix de Sammi Cheng et Richie Jen, Summer Holyday utilise le musique comme un échappatoire, une manière de marquer un temps de pause dans ce monde du profit - représentée au début par la Summer en question, une yuppie obsédée par le NASDAQ - et de lui crier : stop, je veux rêver, je veux respirer et plus que tout je veux prendre le temps d'aimer ! Pour illustrer ce travail sur le temps, Jingle Ma substitue à la vitesse typique des films de HK une lenteur contemplative. Est-ce pour cela qu'il travail sur la répétition ?… ah, la scène de la Carlsberg répétée puis inversée…mais j'ai peur de trop en dire et de gâcher le plaisir de ceux qui n'ont pas encore vu le film. S'extrayant des contraintes temporelles, Jingle Ma montre aussi au spectateur qu'un bon ne se déroule pas forcément au niveau des événements vus - qui sont des leurres, mais bel et bien dans l'imaginaire. Ainsi désamorce-t-il l'épisode de la fausse noyade, se gaussant d'éventuels tâcherons qui en auraient fait une scène dramatique ou du moins une source de suspens. On va même jusqu'à se demander si elle a une quelconque utilité. Dans le même ordre d'idée, Jingle Ma contourne habilement la scène d'amour physique, sûrement tant attendue par les fans, entre Richie Jen et Sammi Cheng. Pour mieux désamorcer son rôle -apparemment- central, l'auteur dédouble son apparition et allège ainsi son importance. De plus, il s'arrange pour totalement différer ces passages dans le hors champ des fantasmes et des aspirations du spectateur déçu. La première fois, Sammi Cheng, totalement ivre, hurle à Richie médusé, qu'elle ne veut pas qu'il voit sa "culotte" (en réalité un leurre qui cache quelque chose d'insoupçonné et de terrible) ; la seconde parce que "Auntie is back", expression qui en plus de signifier que ses menstruations empêche le coït tant désiré, introduit le thème du double - qui est la tante en question sinon Summer elle-même ? A travers de nombreuses scènes de ce genre, Jingle Ma nous démontre sans peine, comme tous ceux qui avant lui ont réfléchi sur le cinéma, qu'avant d'être une machine à fabriquer du spectacle, un bête chewing-gum pour les yeux, le cinéma est avant tous le domaine du fantasme / de la fantasmagorie. Un monde fait de subtiles ondulations, où les couleurs (jamais Jingle Ma y a fait attention comme ici) devenues vibratiles sont des émanations des sentiments des personnages. Par leur subtil usage, sous le vernis des baraque en bois de Malaisie, derrière le faux exotisme au rabais, on sait que les protagonistes sont (faussement) unis ou tragiquement déchirés : voir la scène ou Summer en bleu sur fond bleu refuse de suivre Richie en rouge sur fond rouge, avant de partir en courant, pleurant, au ralenti.

Mais bizarrement, ce film ne tient pas toutes ses promesses. Trop conceptuel, trop expérimental peut-être. Ce film, le moins Jinglesque est aussi son moins bon ! ! ! Summer Holyday a carrément remis en question mon approche de ses films précédents…C'est à se demander si les rares choses intéressantes dans ses précédents films, n'était pas dûes au Jingle Ma Stylz, puisque quand on l'enlève comme ici il ne reste plus grand chose ; j'avoue, j'ai regardé Summer Holyday en accélérant certaines scènes et même comme ça, ça a été un calvaire. Au moins, Tokyo Raiders, avec une bande de cinéphiles pervers on se marre, mais là…AAHHHHHHHHH ! ! ! Qu'on ne m'en veuille pas cette blague était surtout destinée à remonter le moral des amateurs de films HK, que l'année 2000 a réellement dû achever -on verra bien si celle en cours sera plus riche…

PS : Allez sans rancune, Jingle…Je m'en veux de t'avoir fait croire un instant que tu étais bon. Mais ne désespère pas, il y au moins deux raisons pour lesquelles tous les fans de ciné HK te doivent le respect : 1) tu as quand même été le chef opérateur de Fong Sai Yuk et de Viva Erotica ; 2) tu es le SEUL réalisateur chinois dont le nom est accepté par Word 98.

© Florent, Mai 2001