Navigation Cho-Yaba

 

Cinema
Chroniques

Warning: Cannot modify header information - headers already sent by (output started at /mnt/116/sdb/a/4/zeni/acz/cinema.php3:4) in /mnt/116/sdb/a/4/zeni/acz/chroniques/films/timeandtide.php3 on line 10
Time and Tide

TIME & TIDE

Tsui Hark, 2000

par Florent ou par zeni.

Florent : Le réel en pleine tronche. Ou pourquoi Time and Tide est plus un film raté qu'un mauvais film.

Le cinéma de Hong Kong est moribond, personne n'aura le culot de le nier. Laissé sur sa faim, le spectateur asie-maniac partial (j'en suis, mea culpa), a pris l'habitude d'adapter son regard de manière assez athlétique en essayant à chaque fois de faire surgir les petites traces de regardable, tapies au fond de la pellicule. Trier le bon grain de l'ivraie comme on dit, bien qu'ici il s'agisse plutôt de creuser dans le désert avec un truelle.
Il s'agit donc ici d'habitude cinéphile, donc un brin fétichiste voire nécrophile, où l'on adore des idoles depuis longtemps disparues. C'est en ayant dans l'œil ce cinéma par lequel on a découvert Hong Kong -celui qu'on a pris à tort pour la norme alors qu'il était extraordinaire, que l'on pourra apprécier Time and Tide.
Apprécier non parce que c'est un bon film, mais surtout parce qu'on sent que Tsui Hark, lui aussi, comme nous, a le désir de sauver les meubles. Revenons quelques années en arrière. Réunir tout ce qui a été projeté sur les écrans de la colonie de, disons, 85 à 97 sous le terme unique de Cinéma de Hong Kong serait en fait trompeur tant il semble que deux courants opposés aient cohabité de manière parallèle.
D'un côté la fantaisie exacerbée du wu xia pian moderne qui faisait virevolter des époques improbables au bout de câbles en acier…On se souvient de ces gloussements moqueurs des spectateurs européens de base devant Histoires de Fantômes Chinois et dont les échos se sont faits entendre cette années pour le film d'Ang Lee : " Whââ ! Comment il vole, c'est même pas possible… ". C'est la famille de Iron Monkey, Heroic Trio et autres. La branche cousine germaine pourrait être la comédie dans sa version le plus non-sensique.
Mais les tuniques démesurées, froissées par quelques combats aériens avaient assez peu leur place dans les rues de Hong Kong, qui furent alors réinvesties par les blue jeans crasseux et les gueules de psychopathes qu'ont mis en valeur les lumières blafardes des néons de la ville. C'est City on Fire, Long Arm of the Law ou encore O.C.T.B. Le choc avec la réalité est violent, les corps ne sont plus en apesanteur mais sont excessivement lourds et compacts…les chutes brutales et les morts violentes sont légions. C'est ce cinéma qui nous a fait arpenter la ville dans ces moindres recoins, les films puisant leur matière de l'environnement immédiat : institutions - films sur les pompiers, le SDU, la police, ou lieux emblématiques -combien de fois a-t-on pu apercevoir ce cimetière en escalier à flanc de colline ou ces immenses HLM ?
Les cousins par alliance pourraient être certains Catégorie III ou, à la limite, les films de Ann Hui (The Story of Wu Viet).
Le style actuel de Tsui Hark est né d'un sentiment de dépit. Avec Piège à Hong Kong, lui était une nouvelle fois imposé le monolithe Van Damme, que seuls les procédés les plus artificiels pouvaient rendre un tant soit peu mobile. Revenu à HK échaudé, Tsui Hark s'est largement dispersé dans divers projets - on a même entendu parler d'un film de cape et d'épée à la française…Comme si l'épargne forcée, imposée par le boulet américain avait catalysé et par là, démultiplié, sa boulimie.
Le problème de Time and Tide, c'est qu'il veut tout sans rien choisir. Tsui Hark s'est pris à rêver de l'époque bénie du polar et du wu xia pian moderne et les a pris tous deux à bras le corps sans se rendre compte qu'ils étaient antinomiques. C'est vraiment là où le bât blesse : presque naïvement - ou prétentieusement, ça ne change rien ici, Tsui Hark a cru que son film pourrait redorer le blason de ces deux genres à la fois.
Le décalage vient du fait qu'il aborde un style qui demanderait un certain réalisme sur un mode fantaisiste. Ses meilleurs films étaient ceux qui nous montraient l'immontrable en cela qu'ils exploraient l'imaginaire. Ici, Tsui Hark nous montre l'immontrable dans un univers réaliste et est ainsi contraint à le chercher dans les recoins les plus farfelus : le ressort d'un pistolet au moment du coup de feu, l'intérieur des téléviseurs…Le plan emblématique de ce film pourrait être l'explosion de l'appartement de Jack (Wu Bai): traité numériquement, celle-ci est vu de l'intérieur, c'est à dire d'un lieu impossible, inexistant, où aucun spectateur ne pourra jamais être sous peine de passer de vie à trépas.
Le film souffre donc de cette volonté de tout montrer aussi bien au niveau du scénario qu'au niveau visuel. Cette volonté de ne pas choisir aboutit à créer des personnages artificiels tels ces mercenaires Sud Américains, surhommes indestructibles qui auraient plus leur place dans Le Temple du Lotus Rouge. De nombreuses idées sont, par conséquent, sous exploitées : le personnage de Tyler (Nicolas Tse), ayant souvent un temps de retard, toujours dépassé par les événements et largement infantilisé par son pistolet à billes, aurait pu être le germe d'un film d'apprentissage intéressant. Le plus rageant est que ça et là quelques bribes ont été épargnées par le rouleau compresseur de Time and Tide…fugitivement, on se souviendra de le rencontre entre Tyler et Jo (Cathy Chui) et de leurs jets de vomi sur les voitures en contrebas, du fou rire contenu de l'équipe de gardes du corps dirigée par Uncle Ji (Anthony Wong), de Jack suspendu à un câble se jetant du haut d'un HLM avant de rentrer brutalement par une fenêtre. Le réel tente à plusieurs reprises de remonter le tête à la surface, d'autant plus violemment qu'il est restreint par le montage sur-haché et les effets innombrables et c'est ça qui donne sa force au film, bien plus que le rythme trépidant ou les essais visuels qui, somme toute, ne sont pas autre chose que fun. C'est pourquoi, le clou du film n'est pas le combat entre Jack et Miguel, vite expédié, mais l'accouchement de Ah Hui (Candy Lo) au milieu d'une fusillade : c'est le réel incontrôlable qui revient en pleine face…

 


zeni : Autant le dire tout de suite, c'est "affligeant" qui est le mot qui m'est venu à l'esprit suite au visionnage de ce film.

Pour ceux qui ont eu, rétrospectivement, le bonheur de voir Piège à Hong Kong, vous êtes en terrain connu, mais en pire. On pourrait résumer Time & Tide par : un Piège à HK qui se prend au sérieux et qui, inévitablement, échoue.
Le plus éprouvant sont les effets de caméra particulièrement fatigants (gros plans, vues intérieures, montage haché, zoom, ralentis, arrêts sur image, effets numériques...) qui nuisent (c'est peu dire) au rendu général. Les scènes d'action sont plates et fades, la violence est aseptisée .... Le problème vient de l'absence inquiétante de fond véritable, non pas en tant que tel mais du fait de ce que représente Time & Tide : un film bouffi de prétention et qui retombe comme un soufflet.. Débuter et conclure sur des salades à propos de la création de la Terre, apparaît risible sans que ne transparaisse à un seul moment, la moindre ironie (présente, par contre, tout au long de Piège à HK). En fait c'est une sorte de coquille vide. De la poudre au yeux qui ravira tout juste les fans de clips soporifiques à la MTV mais qui ne pourra pas contenter les amateurs de gunfights bien percutants ou même les plus indulgents des amateurs de films d'action.
Prétention qui manque de nous faire pleurer de rire si ce n'était pas si pitoyable lorsque l'on voit des scènes comme celle sur le tarmac d'un aéroport. Et quand ce n'est pas prétentieux, c'est l'excès inverse, avec une naïveté à faire hurler (de rire ? A ce niveau là, on n'en a franchement plus envie). Comment de pas être affligé devant cette scène d'une gamine témoin d'un assassinat ou cette autre, insupportable de débilité niaise, d'accouchement en plein combat ?
Ajoutez à tout cela une histoire confuse et quasiment incompréhensible sans lire le synopsis de quatre pages du dossier de presse ! Les acteurs sont transparents, si ce n'est pas complètement nuls, et apparaissent comme des éléments-objets au même titre qu'une grenade ou un cafard. Ce n'est pas les sauts de Wu Bai qui viendront infirmer cela.
Et qu'on ne me parle surtout pas d'expérimentation cinématographique car, ce dont on parle ici, c'est du n'importe quoi qui se veut à la fois profond et divertissant. Pour finalement n'être ni l'un ni l'autre.
Le plus inquiétant là-dedans, c'est qu'on se demande tout de même où va Tsui Hark. Si son seul but est d'user d'effets numériques, il faudrait tout de même lui rappeler que le cinéma ce n'est pas seulement des images qui défilent mais aussi des émotions, des sentiments et un scénario. Peut-être devrait-il se lancer dans l'imagerie médicale s'il lui plaît tant de filmer ce que l'on ne peut pas voir.

*0

© Mars 2001