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A la verticale de l'été
A LA VERTICALE DE L'ETE

Tran Anh Hung, 2000

avec Tran Nu Yen Khe, Le Khan, Chu Hung.

Zeni / Brian Addav


Zeni : Corps et couleurs. On savait déjà Tran Anh Hung particulièrement attaché aux couleurs  comme on a pu le voir dans ses deux films précédents : L'odeur de la papaye verte et Cyclo. Cette fois encore, il poursuit son travail dans cette direction notamment en ce qui concerne les tons pastels, donnant lieu à de superbes images. A delà de cet aspect purement graphique, c'est également aux corps que Tran Anh Hung s'intéresse.
A la verticale de l'été décrit la vie sur quelques journées de trois sœurs ainsi que leurs maris, frère ou amant et comment, dans un climat météorologique particulier (chaleur moite), leurs relations vont être perturbées par des petits événements (adultère réelle ou supposée, grossesse).
En filmant littéralement à ras des corps, Tran Anh Hung instaure une ambiance d'indolence et de sensualité extrême et le spectateur pénètre dans l'intimité des corps par cette proximité charnelle de la caméra mais aussi des personnages entre eux (la sœur se réfugiant dans le lit de son frère). La plus grande réussite du film est, à mon sens, la manière dont l'ensemble des couples au sens large (un frère et sa sœur, un mari et sa femme, une femme et son amant...) ne forme finalement qu'une seule et unique entité, une sorte de couple unique. Outre la proximité physique notamment des trois sœurs, c'est la façon dont on passe d'un couple à un autre par des astuces qui renforce cette idée. Ainsi une scène finit sur un couple qui danse et on enchaîne sur une autre scène montrant un autre couple également en train de danser. Cette astuce utilisée à plusieurs reprises reste cependant du domaine de la forme. Mais sur le fond, cette unicité des personnages se fait également ressentir dans les actes. Ainsi un acte concrétisé par l'un est fantasmé par l'autre et inversement. Une femme trompe son mari et c'est une de ses soeurs qui se demande quand l'envie de tromper son mari peut apparaître tandis que l'autre soupçonne son mari à tort, une femme est enceinte et sa jeune sœur ne cesse de s'imaginer dans la même situation devant un miroir. C'est comme si une seule histoire était partagée de différentes manières, mais proches, par les trois sœurs.
Magnifiquement filmé, le film n'évite pas certaines embûches et on se retrouve par moments (heureusement rares) en pleine publicité pour les produits laitiers ou Tahiti douche en dépit de l'utilisation judicieuse de morceaux de Lou Reed. On pourra également lui reprocher quelques inutilités un peu lourdes (le voyage de l'écrivain à Saïgon, la double vie d'un des maris).

Brian Addav : A la verticale de l'été est un film beau, magnifique, par sa forme, ses couleurs, son rythme, sa musique. Déjà avec son Odeur de la Papaye Verte, Caméra d'or à Cannes en 93, puis son Cyclo tout en dynamisme, nous savions que nous tenions en Tran Anh Hung, un des cinéastes les plus talentueux en matière d'images et de sensations de sa génération. Confirmation avec son dernier film, se situant entre les deux premiers, tant pour la forme picturale que pour l'histoire. A la verticale de l'été nous raconte donc l'histoire de trois sœurs, vivant à Hanoï, le temps d'un été que seul le Vietnam semble pouvoir nous offrir. 3 sœurs donc, semblables, complices, mariées pour certaines, mère pour l'une, future mère pour l'autre, jeune adolescente pour la dernière. Leurs maris, amis, frère. Apparemment une vie harmonieuse, pleine d'amour, de joie. Parfaite ? Presque. Au rythme de l'été qui s'avance, des fissures vont apparaître, des doutes, des erreurs, la vie va se découvrir pleinement, avec ses joies, ses peines. Tran Anh Hung a ce don de faire passer tout sentiment traversant ses histoires via l'image, le son, les regards. Tout ici est affaire de sensation, de lenteur langoureuse, de toucher même. A l'image d'un Bruno Dumont (avec qui il représente les deux extrêmes d'un nouveau cinéma du réalisme, du sens.), Tran compose scène après scène de formidables et lumineux tableaux de vie. Moments volés à ses trois sœurs, et à leurs compagnons. Avec toujours la même récurrence, le lever au petit matin de la plus jeune des sœurs, Lhien, s'étirant tel un chat, avant de commencer sa journée. Il y a une sérénité dans leur vie, propre à la ville d'Hanoï peut-être, un calme qui nous envahit à mesure que le film se déroule. Nous prenons son rythme, prenons le plaisir de s'arrêter sur certains gestes, certains objets. Nous sommes réellement à Hanoï. La photo nous fait presque sentir les plats, les odeurs, la pluie, l'humidité. L'histoire avance à petit pas, nous permettant de découvrir que ses trois sœurs le sont vraiment jusqu'au fond de leur âme. Presque sœurs jumelles, elles éprouvent les mêmes ordres d'idées au même moment, donnant ainsi à l'histoire des transitions toutes en finesse. Nous vient même un moment à l'esprit l'impression de ne suivre qu'une seule et même jeune femme, l'adolescente, la femme, la mère. A la verticale de l'été n'est pas un film qui se raconte, avec une suite de mots couchés les un après les autres. Il se vit, se ressent, comme si on empilait les sentiments, l'un sur l'autre, verticalement bien sûr.

ou (au levé, genre séance de 11 heures)