(Lee Siu Wa, 1983)

avec Ngaai Dik, Olivia Cheng Man Nga, Gwaan Lai Yee, Goo Gei Gwan.

3

Strasbourg ou HongKong ?

Tu n'avais qu'à ne pas tomber

Qu'est-ce que je viens de dire ?

On dirait que tu as vu un revenant !

 

La grande époque de la première moitié des années 90 a vu apparaître une vague de films de Catégorie III que l'on pouvait classer en deux catégories si l'on exclu les films érotiques. D'une part une volonté de choquer à tout prix par des excés en tout genre (Herman Yau et Billy Tang, par exemple) et d'autre part une dérision proche de la débilité caractérisque des productions Wong Jing. Mais qu'y avait-il donc avant ?

Crazy Blood est un produit typique de ces années là (les années 80), époque bien triste où l'esprit "Catégorie III" n'était même pas encore à l'état d'embryon et où les productions fantastiques d'horreur comme Devil Fetus (dont on retrouve l'acteur Ngaai Dik) ou The Imp étaient plutôt lamentables notamment du fait d'effets spéciaux calamiteux. Partant de l'idée simple du "dérapage", Crazy Blood tente de s'inscrire au mieux dans un contexte social et de présenter une histoire réaliste d'un individu dont la vie bascule suite à un événement tragique.

Cet événement tragique à la base de Crazy Blood est en fait multiple. Un homme marié, photographe pour la police, fait garder son jeune fils par sa soeur en son absence et de celle de son épouse. Malheureusement, la soeur se fait violer, laissant l'enfant seul qui fait une chute par la fenêtre et s'écrase en contre-bas. Fou de douleur, le père s'enferme dans le souvenir de son fils et, au cours d'une altercation, tue accidentellement une femme. Mais bientôt, ce n'est plus qu'accidentellement qu'il tue....

Sur cette base simple, Lee Siu Wa dépeint le contexte social du HongKong des années 80. D'abord par le métier de la femme qui est assistante sociale mais également par celui du père, photographe pour la police. Cela permet une plongée dans l'univers violent de la jeunesse désoeuvrée de Hong Kong. On y brûle des voitures (comme quoi, les jeunes des quartiers périphériques de Strasbourg n'ont rien inventés !) ou bien on s'ennuie ferme alors on viole ! Univers qui influe fortement sur le quotidien des petites gens, brusquement confrontés à la violence gratuite et au sentiment d'injustice.

Souvent très juste de ton car évitant les effets trop appuyés (le héros n'est pas celui de Un Justicier dans la Ville), Lee Siu Wa parvient à réaliser un film qui retranscrit un Hong Kong bien plus étouffant et déprimant que celui que l'on a l'habitude de voir. Très noir dans le fond et sur la forme (toutes les scènes cruciales sont de nuit), le film est entièrement centré autour des personnages, des gens comme vous et moi, mais qui ne peuvent plus supporter une vie qui semble s'acharner sur eux. Malheureusement, il ne parvient pas toujours à exploiter pleinement son sujet et certains personnages restent trop superficiels (la soeur qui sera conduite au suicide, les ados).

Film très intéressant bien que manquant un peu d'originalité, Crazy Blood est un des rares films qui parvient à fournir une description sociale réaliste des années 80 sans se vautrer dans le kitsch, plaie de bien des films de ces années.

© Février 2001