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Vu l'état actuel de la production hongkongaise en matière de cinéma de genre, on doute parfois que l'on ait pu aimer un jour ce cinéma. Heureusement, mis à part les "classiques", quelques films viennent nous rendre le sourire, tout en nous désolant encore plus devant le spectacle désolant d'un cinéma à l'agonie. Devil Hunters en est l'exemple parfait. Sorti en pleine période de gloire des polars survoltés, il ne brille certes pas par son originalité. Mais son caractère excessif, bordélique et la présence d'acteurs irréprochables (Moon Lee, Sybelle Hu et Francis Ng) en font un divertissement de grande qualité.

La police cherche à mettre la main sur un chef de triade. Lors d'une tentative d'arrestation, une jeune femme empêche la police de parvenir à ses fins. Pourtant, elle semble elle aussi vouloir se saisir du parrain, pour une raison mystérieuse. Cependant, ce dernier est mis en difficulté par son propre bras droit, qui a du mal à refréner son ambition.

Selon l'adage "plus ça pète, mieux c'est", Devil Hunters en rajoute à la louche. Les affrontements à mains nues sont tous d'une violence extrême, renforcée par la curieuse manie de filmer ces scènes à vitesse accélérée (environ 1,5 fois la vitesse habituelle !!). Les acteurs (ou leurs doublures) volent littéralement, s'écrasant contre un mur, s'étalant dans les escaliers, sautant de hauteurs vertigineuses ou s'aplatissant sur des objets contentants et durs (table, armoire). Bref, rien n'est épargné à ces pauvres cascadeurs. Cet aspect parfois "bricolé" des cascades prend toute sa tragique ampleur lorsque, lors de la scène finale, un des cascadeurs s'enflamme au cours d'un saut réalisé de manière trop tardive. A ce point puisqu'un carton indique qu'il fut transporté à l'hôpital avec un de ses camarades, également auteur du saut ! A Hong Kong, rien ne se perd, tout est commercialement exploité.

De l'action, il n'en manque pas. Rares sont les minutes (voire secondes) où rien de mouvementé ne se passe. Poursuites, gunfights, combats, viol, ... une succession sans aucun temps mort, à un rythme tel que seul le temps mis pour tourner le film semble être à même de rivaliser ! Outre les cascades à la limite de l'improvisation pure et simple ou qui ressemblent parfois plus à un bêtisier (genre les génériques de J. Chan), l'ensemble du film baigne dans une ambiance de bidouille perpétuelle. D'abord le scénario parfois un rien confus, et ensuite, ce sont une multitude de petits détails. Une étrange explosion de voiture au cours de laquelle les deux capots s'envolent dans les airs avant que le véhicule lui-même n'explose ; une doublure de Francis Ng qui lui ressemble autant que Sonny Chiba à Brice Lee ; Moon Lee qui se ballade avec des fumigènes de couleur et un personnage qui bondit à trois reprises d'affilée avant même l'explosion des charges ! Mais cela en fait-il un film de catégorie III ?

Certainement à cause de la violence involontaire des scènes (on a mal pour les cascadeurs) et de ce passage de viol et de torture, le film s'est vu cataloguer en catégorie III. C'est pourtant souvent plus comique que violent. Ainsi, une jeune femme est recouverte d'insectes voraces qui curieusement se placent en nombre sur les parties les plus intimes de la victime...

Outre l'action survoltée et incessante, c'est la présence du grandiose Francis Ng qui vaut à elle seule la vision du film. Toujours aussi bien coiffé (mais tout de même mieux que dans A War Named Desire), il passe le film à se passer la main dans son abondante chevelure mais surtout, impose sa présence par son charisme rarement égalé (surtout lorsqu'il a ce regard fou et une arme à la main !).

Amateurs de perfection et de spectacle lisse, passez votre chemin. Amateurs de pur plaisir sans prétention, ce film est un chef d'oeuvre. Sans cette scène longuette d'un hélicoptère poursuivant un hors-bord, il serait difficile de trouver le moindre reproche à faire à Devil Hunters.

© Mai 2001