Haruo Umezaki: Hallucinations ( 1965 )

 

Né à Kyushu au début du 20ème siècle, l'auteur a trente ans au moment de la défaite du Japon. Originaire d'une famille de militaires, il appartient à une génération profondément marquée par la guerre. On comprend alors pourquoi sa carrière d'écrivain est jalonnée d'oeuvres qui s'inspirent de sa propre expérience de la guerre en tant qu'officier de transmissions dans la marine et de ses troubles psychiques.

Achevé juste avant la mort de l'auteur, Hallucinations nous fait découvrir le Japon des années 60, pays pauvre et désolé qui se relève de sa ruine, un Japon qui n'a rien à voir avec la deuxième puissance économique mondiale d'aujourd'hui. Tout commence lorsque Gorô, le héros de l'histoire, s'enfuit del'asile. Harcelé par des bestioles dans sa chambre d'hôpital, il décide alors de quitter ce lieu envahi par le souvenir -ce qui n'est pas sans rappeler d'ailleurs la présence des noiraudes dans la nouvelle maison dans Totoro. Si l'oubli y est impossible, il convient alors de se mettre en route et de connaître la fatigue des voyages. De ses hallucinations, il n'en sera plus jamais question, mises à part quelques brèves crises auxquelles il trouvera d'ailleurs un remède : l'alcool. Gorô refait l'apprentissage du monde et retourne sur les lieux de sa jeunesse, avec un compagnon de route, Nio, rencontré par hasard, qui lui enseigne à se méfier du réel, et l'égare un peu plus. On ne peut pas vraiment dire qu'une amitié ni même un quelconque échange se noue entre les personnages puisque, à chaque fois que son interlocuteur pose des questions un peu indiscrètes, Gorô lui répond sèchement : "C'est mon affaire. Cela ne vous regarde pas".Le voyage n'est donc pas um moyen pour se créer les bases d'une nouvelle vie, il s'agit juste d'amener les mêmes frustrations d'un endroit à un autre. Mais à la fin du roman, lorsque Nio lui propose un pari: "Si je me jette dans le cratère, c'est moi qui gagne. Si je reviens ici sain et sauf, c'est vous qui gagnez", Gorô s'identifie de plus en plus à lui. Il le regarde alors avec une longue-vue marcher, s'arrêter, se pencher au-dessus du cratère...et il s'écrie dans son for intérieur :"Du nerf, bon sang! Avance, courage!"... On en vient alors à se demander si Nio a bel et bien existé ou s'il n'était pas, tout simplement, une hallucination supplémentaire. En effet, Nio, double prométhéen de Gorô, représente alors la nouvelle chance. S'il revient, il ramène le témoignage du feu, porteur de nouveaux espoirs. S'il se jette dans le cratère, il rend possible la purification des anciennes hallucinations par le feu. Dans tous les cas, Gorô gagne à faire le pari de vivre. Si la fin est prévisible par son jeu de doubles, le lecteur n'en connaît pas l'issue avec certitude. C'est sans doute ce qui tire un peu le livre d'un sentiment de déjà vu, d'une monotonie trop souvent maladroite.

 

Ségolène, juillet 2001

Haruo Umezaki , Hallucinations. Ed.du rocher. 1993.