Ook Chung : Kimchi (2001)

Coréen né au Japon, puis exilé au Québec, Ook Chung est l'incarnation de ces êtres déracinés à la recherche de leurs origines, et plus précisément d'une certaine "asiaticité", si vous me permettez ce barbarisme.
Largement autobiographique, Kimchi commence sur le thème de cette recherche d'identité, d'un homme qui tente de comprendre son attachement profond à la "patrie", aux origines, tout en transcendant les notions de nationalisme, chauvinisme et même de patriotisme. Un patriotisme non patriotique en quelque sorte. Car de la Corée, Ook Chung ne connaît rien, ou presque, si ce n'est un goût immodéré et inexpliqué pour le kimchi, ce condiment qui est le plat national coréen. En fait, une notion de la patrie telle que citée par Van Gogh : "La patrie, ce n'est pas seulement un coin de terre, c'est aussi un ensemble de coeurs humains qui recherchent et ressentent la même chose", et reprise par Ook Chung. Cette recherche, cette réflexion sur lui-même fait que Kimchi ressemble initialement beaucoup plus à un essai qu'à autre chose. Mais, trop vite, l'auteur revient au roman où la distinction entre réalité et fiction se fait de plus en plus floue et surtout, où il abandonne sa quête de l'Asie, aussi bien géographique qu'intérieure, pour revenir à une quête, certes importante pour lui, mais plus prosaïque, celle de la recherche de ses parents, de leur passé, qui est également le sien.
Les chapitres se succèdent alors et se ressemblent. On frôle souvent l'ennui et l'anecdotique mais Ook Chung intrigue et on se laisse porter par son écriture séduisante, parfois joliment désuète, certainement due à des études au Québec - le roman est écrit en français. Entrecoupant le roman proprement dit, des passages prennent la forme brefs essais qui s'attachent à des thèmes plus précis, et se révèlent souvent passionnants. On retiendra notamment celui sur le Butoh, cette danse moderne japonaise très particulière.
Ook Chung prend également un plaisir certain à citer d'autres auteurs. Références qui viennent certes toujours bien à propos mais parfois, l'auteur semble penser qu'elles se suffisent à elles-mêmes et arrête là sa réflexion. En hésitant sans cesse entre l'essai et le roman, Kimchi étouffe trop souvent la voix de l'auteur qui a pourtant des choses passionnantes à dire.
Mais on demandera au lecteur de poursuivre jusqu'au bout, ne serait-ce que pour les deux lettres retranscrites à la fin, dont la première est simplement superbe.

zeni, septembre 2001

Ook Chung Kimchi. Le Serpent à Plumes, 2001.