Lao She : La maison de thé (?)

Lao She a partagé sa vie entre son travail d'universitaire qu'il a mené à travers le monde et l'écriture. Ses oeuvres ont souvent été le médium de critiques virulentes de la société. Ecrivain majeur de la littérature chinoise, Lao She bénéficie d'une grande renommée tant à l'intérieur du pays, où il a été nommé "artiste du peuple" et " maître de la langue chinoise", que dans le monde entier. Cette pièce de théâtre, relativement classique dans la facture, relate les malheurs des clients et du patron de la maison de thé pendant trois époques historiques différentes, avec la maison de thé Yutai comme arrière plan. Le premier acte évoque l'échec du mouvement réformiste de 1898, dans les dernières années de la dynastie des Qing ; le deuxième acte,la guerre civile des seigneurs du Beiyang qui se développa pendant des années d'affilée ; le dernier acte , après la victoire de la guerre de résistance contre le Japon, la domination du Guomindang, période sombre et corrompue. L'auteur rassemble ainsi de nombreux personnages appartenant aux différents milieux sociaux dans une maison de thé, sorte de huis clos, véritable microcosme de la société chinoise. Il retrace les changements intervenus dans le pays à travers les évènements que les personnages traversent. Comme l'action couvre plusieurs dizaines d'années, les personnages évoluent de l'âge adulte jusque la vieillesse, tissant au fur et à mesure leur propre histoire. Si l'on suit avec un véritable intérêt les bouleversements survenant tant dans la vie des protagonistes que dans la ville, la véritable richesse du livre réside sans doute dans la langue employée par Lao She: le registre est courant, souvent familier, ce qui donne une certaine couleur à l'histoire qui se déploie, portée par des mots pleins de verve, précis et vivants. Un exemple: un haut fonctionnaire du Guomindang ne monte sur la scène que pour dire "Bien". Par cette simple expression, Lao She nous rappelle l'arrogance de ces responsables, qui effleuraient à peine des doigts la main que le peuple leur tendait. Incapable de prendre part à l'action, de s'intégrer dans cette foule dont il devait s'assurer le bien-être, le directeur Shen ne peut que murmurer une syllabe, un peu comme si sans expérience de la vie, on ne pouvait maîtriser le langage.

Ségolène, septembrel 2001

Lao She, Teahouse. Edition en langue anglaise, 2001.