Kenji Miyazawa : Les pieds nus de lumière (vers 1925)

Kenji Miyazawa est né en 1896 à Hanamaki, au nord du Japon. Il est mort à 37 ans, laissant une oeuvre foisonnante, complexe, teintée de neige et de vent. Ce recueil de nouvelles est un livre magique, un véritable enchantement. L'auteur tente de traduire dans ces petites histoires d'une dizaine de pages chacune environ les images mentales qu'il a eues: les contes deviennent alors autant de révélations, de mondes intérieurs à parcourir. Poète mystique puisqu'il pensait que toutes les perceptions qu'il recevait étaient des révélations du Bouddha, l'auteur a tenté de "dessiner" des contes à partir de ces visions. Le résultat est surprenant: un restaurant perdu dans les montagnes où la nourriture n'est pas celle que l'on croit, un cirque itinérant qui refuse une monnaie de tomates jaunes, un enfant convié à une réception chez le lynx, la découverte de la lumière pour des hommes perdus au milieu de nulle part...Toutes ces histoires ont certes quelques points communs: l'innocence de l'enfance, le culte de la nature, les discours moralisateurs des animaux venant en aide aux humains,.., pourtant, on est à chaque fois séduit par ces phénomènes appartenant à un espace autre, autre que celui de la vie réelle que le commun des mortels expérimente. On se surprend alors à rêver d'être un élu, de pouvoir explorer ces états fantastiques de la conscience. Ce livre serait donc, s'il était possible de le définir, un carnet de croquis d'images intérieures plutôt qu'un recueil poétique. L'écriture de Kenji Miyazawa n'est pas sans évoquer celle de Rimbaud tant dans sa poésie visionnaire que dans sa difficile compréhension par les néophytes: l'un comme l'autre ont révélé de nouveaux territoires, totalement ignorés jusqu'alors, auxquels ils ont donné une forme unique d'écriture. Nul doute que l'écrivain japonais se situe sur une autre sphère par rapport au système littéraire classique, un peu comme si la nouveauté de ses écrits se déployait sur le prolongement de la quatrième dimension.

Ségolène, août 2001

Kenji Miyazawa, Les pieds nus de lumière. Le serpent à plumes /1998.