Pa Kin : La Pagode de la Longévité (1934-36)
Les quatre nouvelles réunies dans La pagode de la longévité
(Changsheng ta) ont été écrites par Pa Kin entre
1934 et 1936.
La pagode de la longévité retrace l'histoire d'un empereur
qui cherchait désespérément un remède d'immortalité.
Des savants, après moult tentatives infructueuses, lui proposèrent
de lui construire un temple qui lui donnerait la vie éternelle : la pagode
de la longévité. Dès lors, tous les paysans de l'empire
furent mobilisés pour la réalisation de cette entreprise. Comme
le temps pressait car la santé de l'empereur déclinait de jour
en jour, la main d'uvre était constamment sous pression : les ouvriers
fatigués mouraient à la tâche ou étaient achevés.
Quand la construction de la pagode fut terminée, l'empereur monta au
dernier étage du temple pour contempler sa puissance
et la pagode
de la longévité s'écroula sur le champ. Les pierres de
l'édifice, affaiblies par le sang de la main d'uvre épuisée,
s'effritaient depuis longtemps de douleur. Le corps de l'empereur était
enseveli sous les pierres qui avaient servi à la construction du temple
de l'immortalité.
Cette histoire continue en quelque sorte dans Le secret de la pagode.
L'enfant, à qui le père racontait le conte de la pagode de la
longévité, fait un cauchemar : il se trouve dans cet édifice,
tiraillé entre un empereur fou et un père qui l'investit d'une
mission dangereuse.
La perle magique narre la métamorphose d'un enfant en dragon à
cause d'une perle magique. Là encore, le père joue un rôle
ambigu : l'enfant avale la perle magique afin que les soldats, qui détiennent
son père en otage, repartent bredouille.
Quant à L'arbre qui savait parler, ce conte, comme son titre l'indique,
nous plonge dans un univers où les arbres se mettent à parler
grâce aux larmes des personnes qui tombent sur leurs racines. Ils consolent
et conseillent les jeunes gens désespérés par les mauvais
traitements de l'empereur.
L'engagement politique de ces contes est évident : si l'empereur occupe
tant de place , c'est parce qu'il représente le pouvoir répressif
dans la Chine des années 30. Ainsi, dans le premier conte, l'image de
cette pagode qui s'écroule n'est pas sans évoquer une certaine
forme de malédiction de la part de l'auteur : ne souhaite-t-il pas, de
façon détournée, à Jiang Jieshi de
voir son règne réduit à néant car "un palais
construit sur le sable n'est jamais solide" ? De la même manière,
le dernier conte accuse la police militaire du Guomindang qui opprimait les
étudiants.
Si ces contes sont une véritable menace pour le pouvoir de l'époque
("mais l'histoire ne flatte personne et ceux qui veulent l'écrire
à leur guise, la corriger, en subiront certainement la punition"),
le talent de Pa Kin réside surtout dans sa capacité à
concilier liberté d'expression et une naïveté enfantine.
Ceux qui sont sur le point d'être asphyxiés par la réalité
gagneront à respirer sans gêne un peu d'air frais dans ces rêves
d'enfant.
Ségolène, mai 2001
Pa Kin La Pagode de la Longévité. Folio, 1984.