Akaten Château du Akaten

Le cinquième album d'Akaten restera en mémoire comme étant l'album rouge du duo. Comme les Beatles ont sorti l'album blanc et Metallica l'album noir. Ici, il est clairement indiqué en parenthèse à côté du titre "rouge", akai. C'est un couleur qui sied d'autant plus au groupe que son nom est formé sur la même racine. Le contenu de la bouteille est en effet du rouge : sans aucun doute, il tache et il tourne la tête. La musique de Tatsuya Yoshida (Ruins) ainsi que celle d'Atsushi Tsuymama (Omoide Hatoba) peuvent être parfois difficiles à saisir. Dans leurs projets respectifs, tous deux évoluent sur une ligne séparant mal l'hommage de la parodie, du pastiche...Comment prendre le zeuhl / prog de Hundred Sights of Koenji? Comment aborder le hard rock de Nishinihon? Au moins, avec Akaten le propos est clair : le projet est humoristique, cultivant le non sens et l'absurde. Ce n'est pas un hasard si pour une fois Yoshida chante en japonais, alors qu'habituellement, zeuhl oblige, il chante dans une langue inventée. Faites écouter à des japonais Water Closet, ils seront pliés en deux.
Pourtant, même si l'on perd énormément à cause de la langue, l'Akaten Touch n'est pas seulement fondée sur le texte. L'absurdité de ce projet -humour est en fait un bien grand mot, repose sur différents éléments. On retrouve par exemple le même genre de listes qui étaient la base des morceaux a capella de Zubi Zuva : on reconnaît la patte de Yoshida à travers de morceau tels que Record Company -liste des compagnies de disques américaines, United States -celle des états et ainsi de suite avec Fast Food, Base Ball ou National Park. Quelque part entre un inventaire à la Prévert et la poésie sonore. Mais si Akaten utilise le japonais ou parfois l'anglais, c'est presque exclusivement de manière sonore.
Les bruits de la vie courante sont aussi convoqués, au service de la musique. Ici, on se situe plus du côté du détournement à la Spike Jones que dans les structures somme toute abstraites de l'accousmatique : moulinet d'une canne à pêche, bouteille qu'on débouche, chasse d'eau. Chaque titre est l'occasion d'une saynette absurde et répétitive qui invite Ionesco dans l'univers de la musique japonaise : certains titres pourraient être le canevas d'un concours d'impro théâtrale comme Stand and Browse in a Bookstore. Les ambiances évoquent parfois la cuisine sonore de Mike Patton de Pranzo Oltranzista. Toutefois le délire est beaucoup plus global et dépasse de loin la monotonie des tentatives expériementales de celui-ci...De plus, la musique est très présente dans Akaten. Reste à savoir si elle est mieux traité que le reste. En effet, elle est parfois relégué au simple niveau de bruitage : la disco de Water Closet est-elle vraiment de la musique et la boîte à rythme qui accompagne les gargarismes de Tooth Brush? Les bruits imitent la musique ; mais l'inverse aussi se produit : l'orgue de Wild Birds II imite les volatiles en question. La plupart des autres morceaux restent proche du style habituel des deux hurluberlus, mais comment l'aborder entre deux tranches de non sens pur? En tout cas, c'est disque qu'il faut déconseiller à tous ceux qui ont une haute estime de la musique en général...Ici les aptitudes techniques des musiciens sont plus ou moins mises au rencart même s'il elle jaillissent parfois. Une exigence que l'ego de quelqu'un de Frank Zappa n'a jamais totalement réussi à respecter...
Pas besoin d'appelation contrôlée, personne n'oserat imiter Akaten, qui signe avec ce Château un disque incontournable...

Akaten Château du Akaten. Magaibutsu 2001. http://homepage.mac.com/ruinsweb

Florent, juin 2001