Acid Mothers Temple & The Melting Paraiso U.F.O. WILD GALS A GO-GO

AMT délaisse son habituel psyché rock plombé pour des morceaux plus répétitifs entre minimalisme et transe. Un changement par rappor t à d'habitude qui mérite qu'on s'y intéresse!

Dans les milieux autorisés, on concède facilement que Makoto Kawabata fait ce que les experts appellent de la musique "Carbonara". Lourde, onctueuse, elle tient au corps. Quand Spinal Tap poussait leurs amplis jusqu'à 11, Makoto pousse sa fuzz à 21! Tout au long de sa longue carrière il semble en effet avoir affectionné une version enrichie du psychédélisme des années 60/70, où la folie déborde allègrement des bords du cadre. "Their previous releases were delirious communal Gong/Hawkwind patchouli collisions, colorful as a life with the Hippie Jetsons cartoon, but with an acid punch that proved their music was beyond any idea of pastiche or irony" précise Alan Cummings à l'occasion de la sortie de Troubadours From Another Heavenly World. Cette approche à la fois nostalgique et iconoclaste puise son inspiration dans différents styles, parfois avec bonheur : le folk shamanistique de Toho Sara, avec Nanjo ; parfois en sombrant dans l'absurdité la plus totale : Nishinihon sorte d'hommage aux groupes fondateurs du hard rock où l'on trouve moultes guitares à l'unisson et surtout Let's ZeppelinTsuyama (?) imite Robert Plant de manière outrancière! Ici c'est carrément le cassoulet à la graisse d'oie...

Pourtant le bougre sait aussi se faire discret, voire raffiné : il pratique la musique improvisée (comme la collaboration avec le saxophoniste coréen Kang Tae Hwan) et sort à l'occasion des disques minimalistes comme sa récente expérience à la shruti box Jisetsu. Et il jongle sans problème avec les deux comme sur You Are The Moon Shine (elsie and jack recordings). Il est même arrivé à emmener des groupes que l'on croyait cerner dans des chemins de traverses plus qu'improbables : La No`via (Eclipse) d'AMT est un disque de musique occitane (le SEUL disque de musique occitane joué par des japonais!)...Des restes de fromages de chèvre baba?

Qui peut alors prétendre cerner un disque d'Acid Mother Temple? Déjà, avant de poser le disque sur la platine Wild Gals A Go-Go intrigue. L'imagerie de la pochette, même si elle reste délicieusement seventies, est loin du trip habituel. Des jeunes femmes frisées et plantureuses semblent n'attendre qu'un viril étalon à moustache tandis qu'une décalque nippone de Bonny and Clyde occupe le centre du collage. Au verso (sans jeu de mot), cinq silhouettes semblent avoir été tirées du fameux livre du Dr Ruth "L'épanouissement du couple par la sexualité". Le disque en fait est censé être la BO d'un film imaginaire. Du réchauffé me direz vous. Certes l'idée n'est pas neuve, mais si le film est un psyc-nonsense mondo film from Russia, qu'il est saupoudré de kalachnikovs et qu'il exhale une fragrance d'érotisme toride, nulle doute que la musique sera une démarque radicale de tous le Mr Freeze trip hop à la sauce tranxène qu'on nous a servi ces dernières années.

Ce qui fait de ce disque un incontournable d'AMT, c'est sans aucun doute parce qu'il offre un échantillon du large panel créatif de Kawabata et de Tsuyama (figure non moins incontournable, il est dans tous les mauvais coups de son accolyte et sévit aussi dans Omoide Hatoba). Le disque s'ouvre et se clôt sur Reverse of the Universe, un duo guitare accoustique / drone machine qui n'est pas sans rappeler le Happy Days de Jim O'Rourke (pour vous situer l'action). Space Bambino de jeunes nymphes nous entraînent sur fond d'arpège de guitare dans le volutes de ce qu'on pourrait appeler de la lounge musique psychélique : imaginez un peu les barbus dreadlockés d'AMT débarquer dans un loft New-Yorkais et mettre des petits bonbons rouges dans le saladier de punch. Nulle doute que cela se terminerait en orgie...tout comme le morceau qui dévie vers Intersteller Over Dope : une overdose de beats saturés et de diverses distorsions...très dansant ma chère...

Sweet Juicy Lucy, quand à elle nous met l'eau à la bouche, avec ses sonorités tirés de la BO de More, tandis qu'une voix désincarnée de japonaise ânonne en français quelque invitation qui nous donne une idée approximative des séquelles de la gainsbourgmania au Japon. Délicieux! Quant au turgescent Mammary Intercourse (Rapport mammaire ?!?), il nous met une bonne tranche de Musica Transonic en pleine poire : guitare rythmique, basse et batterie sont réduits à un amas de compost, tandis qu'un solo de guitare en folie essaie de garder le cap parmi les éclats d'electronics planants qui parasitent le tout! Quant à Hare Hare Hallelujah / Blow Out Super High et Good-Bye Ice Cream/ Stone Blind Blue Heaven, ils ne céderont pas un pouce de terrain...On aurait pu craindre quelques fléchissements sur la longueur d'un disque aussi riche...Il n'en est rien.

Un disque à conseiller, donc, à tous ceux qui jusque là pensaient que le néo-psychédélisme japonais était de la musique qui tachait.

Acid Mothers Temple & The Melting Paraiso U.F.O. Original motion picture sound track album of Ivan's Piskov's WILD GALS A GO-GO. AMT Records 1999. http://www.kindamuzik.net/mars/acidmotherstemple.shtml

Florent, juin 2001