Fushitsusha Pathétique (Hisou)
Je
dois avouer que les solos de guitare et autres "guitar heroes" ont
toujours eu une fâcheuse tendance à vite me taper sur les nerfs
- avis tout à fait personnel, j'en conviens. Préoccupés
qu'ils sont par la quête de toujours plus de maîtrise technique,
ils en oublient la principal : la créativité. Et ce Pathétique
leur conviendrait bien mieux que d'être le titre du quatrième
album de Fushitsusha, trio guitare/basse/batterie centré autour
du guitariste et vocaliste Haino Keiji.
Pourtant, certains guitaristes ont su dépasser le stade de
la prouesse technique pour, non plus simplement "jouer" de la guitare
mais véritablement "être" des guitaristes. Dans ce
large panier, on y mettra côte à côte des artistes tels
que Caspar Brötzmann, Thurston Moore et,
donc, Haino Keiji.
Bien que Fushitsusha compte un bassiste et un batteur, leur présence
se fait discrète, voire parfois parfois quasiment absente, principalement
en ce qui concerne la basse. La batterie se résume quant à elle
à une omniprésente cymbale. Car ici, c'est la guitare qui est
reine, à peine perturbée par la voix de Haino Keiji,
qui semble comme sortir d'une caverne, sorte d'écho sans origine.
Avec quatre titres de durées croissantes - le dernier atteignant tout de même les trois quarts d'heure !, Pathétique déstabilise quelque peu l'auditeur, surtout dans ses premiers morceaux. La guitare est relativement nette bien que brute et rugueuse, et répète un motif simple, s'embrouillant parfois, à croire qu'Haino Keiji est en plein soundcheck. On se surprend même à se demander si le Prince Noir ne serait pas en train de plaisanter tant la musique prend parfois l'allure d'un rock couillu qui tâche. L'artiste manierait-il avec talent un surprenant second degré ? Tout est possible, mais imaginer Haino Keiji faire une plaisanterie est à peu près aussi crédible que Bush abolissant la peine de mort.
Peu à peu, au fur et à mesure de
l'allongement des titres, un glissement musical s'opère, comme une
sorte de régression mélodique. La guitare est de moins en moins
nette, de plus en plus bruitiste, le trio concluant l'album avec un long morceau
noise du meilleur acabit et qui mène directement à la transe.
Impression que j'avais déjà pu ressentir lors d'une performance
live du guitariste Caspar Brötzmann qui n'a pas uniquement
une certaine conception du jeu de guitare en commun avec Haino Keiji,
puisqu'il est également le fils de Peter Brötzmann,
avec qui Haino Keiji a joué.
Et là, fini de rigoler, place à la noirceur, d'un noir aussi
profond que celui de la pochette.
Fushitsusha Pathétique (Hisou), PSF PSF-50, 1994.
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4. (44:21) (284 Ko)
zeni, octobre 2001