Microcosmos Pilgrimage

Dès les premières notes (Renge) c'est le million de bouddha du fameux temple qui vous saute aux oreilles. Invocations, psalmodies, Tenko est bien dans son registre. La dame en noir de la musique japonaise reparaît, toujours habité des mêmes voix. Ici, grâce à Otomo Yoshihide, elle est confronté à elle même, semblant chanter sur une infinité de pistes. Mystique.

Etonnante transition : le deuxième morceau commence par un rythme junglelisant, la voix se perd dans des falaises de guitares. Ashura se décline sur un registre assez épique. Le mélange est pour le moins surprenant : jamais auparavant Otomo n'avait eu recours à la grammaire courante des beats.Il marque donc une rupture avec son style le plus courant : période maximaliste (Ground Zero) ou minimaliste (Filament, I.SO.), les structures de ses morceaux se laissaient rarement appréhender d'un seul coup. Ici, on peut nettement dégager un ligne directrice qui se prolonge d'ailleurs dans les très industriels Kaenko et Hiten.

Toutefois, on retrouve ailleurs un Otomo plus " classique ", ou plutôt plus conforme à l'idée qu'on se fait de lui : vibrations tenues et ambiances ténues ; solo de guitares free sur fond d'autosamples (Otomo se pille beaucoup lui même, ça fait partie de sa démarche).Tenko apporte son aura de grande prêtresse sur certains de ces morceaux, sans que ce soit systématique.

On se demande alors dans quelle mesure il y a eut collaboration : soit c'est du pur Otomo et la voix de Tenko est dispensable ; soit c'est elle qui mène le jeu et Otomo s'efface. C'est d'autant plus décevant que Microcosmos n'est pas leur première collaboration, loin s'en faut.

Le disque malgré tout reste d'un beau niveau.Field recording de cérémonie cyberpunk : l'atmosphère de Pilgrimage pourrait être le rejeton d'un rock dur et romantique - de la culture populaire au culte sacré. Dans la ville Blade Runner de Henge aux sonorités Asiepop parasitées résonnent les préparatifs de Rinne et son défilé de tambours traditionnels réduits à l'état de boucles numériques. Mais lointaine - quoique toujours nimbée d'écho, la voix de Tenko se fait plus charnelle, plus folle. Un défilé dans les rues d'une ville de pèlerinage, aux allures des bidonvilles de Gemini. Koku (tout comme Keanko et Hiten) semble d'ailleurs appartenir à une B.O. de film indépendant japonais. Lieux par excellence où les mythes sont réactualisés pour leur plus grands supplices, les films cyberpunks des dernières années fourniraient un décor (une inspiration ?) idéale pour l'univers hybride de Microcosmos.

Kaenko (291 Ko)

Hiten (238 Ko)

Henge (235 Ko)

Rinne (239 Ko)

Koku(163 Ko)

Renge (128 Ko)

Ashura (256 Ko)

Microcosmos Pilgrimage (Otomo Yoshihide : guitar, drum machine, Cds and records with mixer. Tenko : voice), 2000.

Florent, Janvier 2001