Kawabata Makoto You are the Moonshine
Faut-il encore présenter Makoto Kawabata,
l'homme qui enregistre plus vite que son ombre? Non content de sortir sans
cesse des disques de ses différents formations d'Acid Mothers Temple
à Mainliner, en passant par Musica Transonic, Zoffy,
Nishinihon, Seikazoku, Toho Sara, etc...et de multiplier les
collaborations (avec Kengo Iuchi ou avec le Space Machine de
Maso Yamazaki), Makoto s'est lancé depuis quelques temps dans
des projets entièrement solo. Ce disque, You are the Moonshine,
est plus ou moins le troisième opus après Inui 2
et Jigetsu. Tous trois fort différents, ils possèdent
néanmoins de nombreux points communs. Si tous sont plus ou moins minimalistes,
c'est qu'ils ont moins pour but d'élaborer une architecture musicale
que de laisser s'échapper un flux quasiment physique de son. Makoto
Kawabata entretient un rapport assez mystique à la musique, une relation
quasi magique directement issue des sixties et qui peut faire sourire. Jimi
Hendrix par exemple disait entendre ses morceaux en rêve et cherchait
à les reproduire en studio : c'est un peu dans cette voie que s'est
engagé Makoto. Mais après tout qu'est-ce que cela sinon une
version romantique / ésotérique de la composition spontanée?
Makoto avoue ne pas trop aimer la free music, mais il entretient par là
d'étroits liens avec l'improvisation.
Si Inui 2, Jigetsu et Moonshine cherchent plus ou moins
à amener les auditeurs dans un état de trance, chacun de ces
disques a une tonalité, une personnalité différente.
Si Jigetsu était un disque de drones ultra minimaliste qui vous
amenait dans un état second grâce à la migraine, Inui
2 utilisait déjà des voix plus recherchées et abouties.
Construit en studio, Inui 2 est un travail en multi-pistes essentiellement
basé sur l'utilisation d'instruments ethniques. Tout au contraire,
les trois morceaux de You are the Moonshine sont enregistrés d'une
traite sans overdub. Certes, de nombreux effets sont utilisés (delay
et reverb essentiellement) et Makoto utilise parfois un archet pour tenir
une note ad libitum, mais ce disque est plutôt un travail sur le temps,
là où le précèdent était un travail sur
le son. Ici, le temps est étiré au maximum, encore et encore.
Chaque morceau aurait pu continuer à l'infini, comme s'il avait été
impossible de conclure, de mettre un point final.
On peut taxer ce disque de facilité car il est avant tout constitué
de longues nappes qu'on pourrait qualifier de planantes. Mais la richesse
de ce simple son est assez inouïe quand on sait qu'il provient d'une
unique guitare. You are the Moonshine n'est pas sans rappeler
quelques passages de Klaus Schulze, bien que l'atmosphère générale
soit plus noire et que quelques dissonances auraient de quoi déstabiliser
tout vieux baba qui se respecte. Ce disque est un peu le côté
sombre de la musique planante seventies, la face cachée de la lune.
You are the Moonshine, Marino 2000
Et aussi:
Inui 2, vhf, 2000
Jigetsu, AMT
Recordings, 2000
Florent, Juillet 2001