Yoshihide OTOMO plays the music of TAKEO Yamashita

Si vous ne connaissez pas encore Otomo Yoshihide malgré ses quelques concerts parisiens, son ancien groupe Ground Zero ou encore ses musiques de films de Hong Kong (Ann Hui, Yim Ho), voici un disque qui constitue une bonne introduction à tous les projets qu'il dirige, produit ou interprète. Mais attention il va falloir vous accrocher pour mettre la main dessus. Edité par P-vine, label dont ne nous est parvenu en France que quelques disques de Jim O'Rourke, ce disque constitue à la fois un tournant et une synthèse où Otomo semble diversifier son champ d'action. Quasiment son dernier disque en date, il a dû en surprendre plus d'un, même parmi ses plus fervents fans (mais le fan d'Otomo n'aime rien de plus que d'être déstabilisé).

Ses dernières prestations nous ont toutefois offert un Otomo au plus fort de sa veine bruitiste minimaliste : alors Yoshihide OTOMO plays the music of TAKEO Yamashita parenthèse récréative ou tournant ? Après tout la question n'a pas tant d'importance que ça puisque le disque est assez abouti et cohérent en lui même. Alors que contient-il ? Le principe est simple, inspiré de certaines expériences de John Zorn, mais à mon sens plus abouti. Il s'agit de reprendre des musiques de dessins animés composées par Takeo Yamashita (Ganba Bôken Tachi ou encore Lupin III, qui a été exporté en France sous le titre Edgar de la cambriole et dont Miyazaki a tiré son premier long métrage).

Le premier morceau Playgirl BGM est l'occasion pour Otomo de présenter son New Jazz Quartet (faut-il entendre par là " nouveau quartet de jazz " ou " quartet de nouveau jazz " ?) dont on savait entre autres qu'il reprenait Ornette Coleman sur scène. Ici accompagné de deux chanteuses, d'un vibraphone et de quelques bidules électroniques, il donne au tout une allure d'easy jazz très langoureux (cf. les soupirs suggestifs des chanteuses qui ne devaient pas être dans la version originale) et pourtant bourré d'énergie.

Le concept du disque n'est pas seulement de reprendre les thèmes originaux, encore faut-il les triturer, les malmener ou simplement les moderniser. Ainsi de Giant Robo qui donne l'impression qu'un Bernard Minet nippon pousse la chansonnette sur fond de combat de catch opposant Goldorak et Ultraman en justaucorps rose. Attention les oreilles. Dans le genre bien barré aussi, précipitez vous sur Boken Gaboten-jima de HOAHIO. Les habitués de la terroriste sonore Sachiko M risquent ici d'être surpris : ici, ce ne sont plus des infra-basses et les ultras-aigus traditionnels qui font se pâmer vos cafards, mais plutôt la rencontre entre un groupe d'idoru (idoles) ayant fait un voyage chez les Rubettes avant d'aller sucer des petites pastilles rouges chez les Teletubbies. Entraînant, pleins de petits bruitages électroniques, le tout sur fond de berimbau. Dans le même genre, avec les mêmes interprètes on trouve aussi Suppa Jetta (Super Jetter) : le titre est tout un programme. C'est aussi l'occasion d'écouter le trop rare groupe pop d'Otomo, NOVO TONO qui se fend d'un magnifique et envoûtant Bokensha-tachi no Ballad.

Mais Yoshihide OTOMO plays the music of TAKEO Yamashita n'est pas qu'un disque de chansons barges, on trouve aussi de la pure musique de film : Akuma-kun : Opening Theme, aux ténébreuses incantations sur fond de scie musicale ; Shichinin no Keiji thème jazzistique, assez costaud, dont la première partie nous offre un Otomo au sommet de son art du collage sonore avec en prime la voix du maître Takeo Yamashita, en sampled guest ; le très musique contemporaine Sabu to Ichi Torimonohikae : Opening Theme qui mélange instruments traditionnels (futuzao shamisen ou le sho) avec des instruments on ne peut plus modernes. J'en passe et des meilleures.

Restent les morceaux tirés de Lupin III (Lupin III Ending Theme ), des chansons interprétées par un certain Charlie Korsey (? ? ?), dont il a même été tiré un single ; on comprend pourquoi tellement la première des trois est accrocheuse. Enfin, en guise d'hommage, Song for T.Y., une composition originale où l'on retrouve les blips blips et les mmmmmmmmmm de Filament autrement dit Otomo et Sachiko M. en duo.

Plus proche des concerts français et des obsessions actuelles d'Otomo ce morceau permettra aux auditeurs courageux de pénétrer dans un monde tout à fait unique et inouï. Mais y'as-t-il un seul morceau dans ce disque où l'on avance en terrain connu ? Le grand génie d'Otomo est ici de s'aventurer sur des terrains totalement en friches, mais sans aucun pédantisme, sans prétention et en gardant toujours un immense sens de l'humour. Si je vous dis qu'en plus on trouve dans ce disque le guitariste des Boredoms, il me semble inutile de vous recommander chaudement de courir acheter cette perle d'originalité.

Lupin III Ending Theme (243 Ko)

Boken Gaboten-jima (254 Ko)

Bokensha-tachi no Ballad (240 Ko)

Shichinin no Keiji (227 Ko)

LUPIN, HE'S THE MAN !

Florent, Novembre 2000