Katsui Yuji & Kido Natsuki : Pere-Furu
Coil : Big Games

Deux hommes sereins posent sur la pochette de Pere-Furu, dans une nature pourtant entourée de pylône électriques et d'immeubles. C'est la banlieue japonaise comme on la voit chez Ozu. C'est la marge, et pourtant pas l'underground. Pere-Furu est la rencontre de deux homme apaisés. Du premier, guitariste, on attendait pas forcément grand chose. Pilier fondateur de Bondage Fruit, Kido Natsuki avait du mal ce temps-ci à redevenir passionnant (quelques passages de Korekyojin sur Tzadik peut-être)...Déjà sensibles dans Bondage Fruit IV, ses velléités guitaristiques un peu bavardes avaient pris de l'ampleur avec Coil, son trio blues rock...Là où Haino Keiji ou Kan Mikami s'inspirent de l'esprit du blues rural, Kido Natsuki empruntait les pires travers du blues électrique chicagoan : Big Games sorti l'année dernière faisait preuve d'une certaine maîtrise, n'étant pas privé à certain moment d'inspiration, mais l'hommage appuyé et le pastiche témoignaient d'un certain manque de maturité... Il se voulait alors Born in Chicago (titre de l'un des morceaux) lui qui reprenait de manière on ne peux plus roots le standard Spoonful...Kido Natsuki était alors noir américain, Kido Natsuki était un adolescent qui faisait des solos devant sa glace. Dans son opus Guitar Solo, il était déjà un peu plus lui même, mais peut-être un peu trop peu être : ce disque plus reposé, moins vulgaire laissait assez peu de place à l'auditeur qui s'ennuyait ferme... Entonnement, il y a plus d'idées dans n'importe quelle mesure de ce Pere-Furu que dans ce deux disques réunis... Le principe est un peu le même que dans Guitar Solo : mélodies, arpèges, souvent acoustiques, parfois électriques accompagnés par de discrète notes de synthés flirtant avec l'onkyo (cf. les fréquence suraiguës d'Otomo et de Sachiko M). Mais avec Pere-Furu, on ne sait jamais à l'avance ce qui risque d'arriver. Cordes utilisés comme des percussions, blues à la slide, sonorités des pays de l'est, colorations électroniques expérimentales...On passe d'un road movie imaginaire à une errance dans zone industrielle. Yuji Katsui avait participé à l'album d'Atsushi Tsuyama, Henry the Human Horse, qui à sa manière réinventait un folklore européen. Pourtant, il serait injuste de réduire le mérite au seul talent de Yuji Katsui... La présence de Kido Natsuki aurait tendance à transformer ce voyage initiatique en une exploration nostalgique des racines américaines. Une attitude de gentleman farmer éclairé qui fait immanquablement penser à Bill Frisell... Comment décrire plus avant cet album sans concept, qui n'a rien d'intellectuel, comment parler plus en détail de cette musique sensible? Rien que de la musique, riche du background des deux musiciens, totalement en phase avec l'autre et avec eux même ... Restons superficiel et contentons-nous de dire que ce Pere-Furu n'est pas seulement le meilleur opus de leurs discographies respectives mais aussi l'un des plus beaux disques de l'année.

Katsui Yuji & Kido Natsuki : Pere-Furu. (Maboroshi no Sekai 2001)
Coil : Big Games (Chitei, 2000)