K2 Sexencyclopedia

La plupart des noisiciens de la "old school" partagent les mêmes défauts qui font aussi leur force. Ils sont à la fois obstinés et nostalgiques. Sans cesse, ils remettent leurs ouvrages sur le métier à tisser d'où sort cet incroyable tissu monochome et sans fin. Si vous avez resisté aux 50 CD de la Merzbox (le loup blanc dont tout le monde parle) et si vous avez acheté une à une les réeditions d'Hijokaidan, que vous continuez à courir après les improblables 45t de Gerogerigegege et si la cadence industrielle des parutions de Aube vous semble normale, vous ne trouverez peut-être pas que ce Sexencyclopedia est une nouvelle excroissance dégénérée du continent noise. D'abord attendu comme une anthologie commémorant 20 ans de musique (ce que le titre laissait présager), ce coffret est en réalité un quadruple album ! Ce qui sidère dans un premier temps, c'est à quel point ce genre d'entreprises semble se faire en dépit de l'auditeur. Qui en effet pourrait écouter ces 4h30 de harsh noise d'un seul trait? Se pose alors la question de l'écoute... Cette musique doit-elle seulement se ressentir? Sûrement... La noise entretient avec l'auditeur un lien étroit, insaisissable, qui fait qu'on peut littérallement entrer dans certains univers et rester à la porte de forteresse imprenables comme ce Sexencyclopedia. En effet, tant de radicalité ne peux rester efficace sur la longueur d'un opéra wagnérien. Constitué d'élement disparates issus de split cassettes introuvables, d'enregistrement live (dont un avec Incapacitants) ou de nouveau matériel studio, cette somme doit-elle être consultée de temps à autres puis rangée sur l'étagère? Toujours est-il que la clef de l'écoute n'est pas contenue dans les disques eux-mêmes et c'est à chaque auditeur de trouver la manière la plus adéquate de les conquérir.
Si pour Kimihide Kusafuka, encyclopédie est synonyme d'initiation ou de partage d'un savoir, il semble qu'il ait fait ici fausse route : c'est un prêche que seuls les convertis entendront et ceux qui voudraient s'initier resteraient à l'écart de ce monument esotérique. K2 est ici plus proche de l'énumération exhaustive des 120 jours de Sodome que de l'idéal des Lumières!
Rien d'inouï pourtant ici...Seule la longueur apporte une nouvelle dimension à ces collages bruitistes de sons métalliques (pas de sampler MIDI, pas de synthé digita ni d'ordinateur stipule le livret). On vous dira sans hésiter que ce Sexencyclopedia est de la pure noise hardcore, un terme servi à toutes les sauces dont on ne sait jamais s'il est synonyme d'authenticité et de fidélité ou de radotage et refus de changer? Mais le problème ne se pose pas en ces termes... Cette musique ne fonctionne pas du tout selon les schémas de l'industrie musicale actuelle. Si schéma il y a, il serait plus à chercher du côté des disques à un exemplaire de La Monte Young, des déclinaison à l'infini de Vialat ou de Buren, de l'oeuvre pléthorique de Butor (voire de Beckett) : ces artistes ne fonctionnent pas par oeuvre isolée mais par période et il suffit de prendre une ou deux oeuvres dans chacune d'elles pour comprendre l'évolution de l'Oeuvre, avec une majuscule.
Toujours est-il que ce coffret monstrueux, comme toutes les oeuvres noises les plus radicales, remet en cause aussi bien la musique qu'il propose, que notre écoute ou que la musique en général. Et sans nul doute, si l'expérience de ce Sexencyclopedia est profondémment masochiste, elle n'est pas pour autant abrutissante. Au contraire, c'est un formidable stimulant intellectuel.

(Bien entendu, cette chronique témoigne d'un point de vue européen et je sais pertinement que je commets un contre-sens par rapport à la vision japonaise de la noise qui n'est ni conceptuelle, ni symbolique, et même rarement intellectuelle...)

Disc 1 - Dedicated to Kaprun
Disc 1 - Butterflyshadow

Disc 3 - (The Princess Suffered From) Tubal Pregnancy

Disc 4 - Invaginated G-Spot

K2 Sexencyclopedia, Kinky Music institute 2001.
Disponible sur http://www.msbr.com ou directement auprès de Kimihide Kusafuka

<<<<Florent 2001>>>>