Susumu Yokota Image 1983-1998

Susumu Yokota est un nom que les amateurs de techno ont sûrement déjà rencontré. Pas le plus célèbre certes, mais bénéficiant d'une certaine reconnaissance dans les cercles initiés. Pourtant ce recueil de 13 miniatures se situe à des lieux du territoire habituel de Susumu Yokota.

M'aventurant sans trop d'espoir chez le disquaire d'occasion du coin, je suis tombé sur Image 1983-1998, un peu par hasard, coincé qu'il était entre le rayon relaxation / new age et la techno. La pochette sobre, de bon goût me fit aussitôt penser que ce disque avait atterri là par mégarde… "Susumu Yokota…hum, c'est quoi ?" avait sans doute laissé échappé le revendeur, avec toute la prudence dubitative d'un tiède marchand… "D'habitude c'est de la techno, mais là bof…" aurait répliqué l'ancien propriétaire. "Je peux pas vous en offrir beaucoup…" Et ces Images, si délicates à feuilleter, de se retrouver dans le rayon "Techno mais bof…"

Le disque en question se divise en deux parties distinctes : la première regroupant 5 morceaux de 1983-84, la seconde huit morceaux de 1997-98. Les morceaux les plus anciens sont, de logique, les moins aboutis et les morceaux à la guitare pêchent un peu : on sent bien la volonté d'ouvrir de nouvelles voix, empruntant des chemins dépouillés et tranquilles, mais n'est pas Bill Frisell qui veut. Les morceaux à l'orgue par contre, avec leur son sale et confus, témoignent déjà d'un grand souci d'originalité. On sent un certain manque de technique (instrumentale tout comme au niveau de la prise de son) que Susumu Yokota n'a pas chercher à palier par une certain attitude junk ou je-m'en-foutiste (ce n'est pas un disque de Jon) : de nécessité faire vertu, voilà plutôt le principe premier de cet artisan.

Les morceaux ensuite s'épaissiront. Prenant appui sur la première génération, ils acquièrent une certaine maturité. Les sonorités restent dans le même esprit, mais plusieurs instruments se déploient maintenant sur chaque morceaux : guitare, orgues, clochettes, accordéons, collages. Toujours aussi minimalistes, les morceaux évitent tout développement qui briserait le fragile équilibre. C'est en fait une musique timide, celle que l'on rencontre en fréquentant les parages de Satie, Pascal Comelade ou peut-être certains Yann Tiersen.

Certains airs mutins laisseront leur ritournelle vous entêter, toute une journée durant, comme Nisemono no uta qui accueille, en boucle, une ligne vocale semblant venir d'un chœur de mamis nippones. C'est une autre particularité de la deuxième période qui ose en effet accueillir de temps à autres des voix : celles-ci forment alors un habile contrepoint aux sonorités rondes et répétitives des orgues.

Portant la modeste mention : music by Susumu Yokota, cette collection de courtes esquisses - le disque doit durer une demi-heure au plus, se révèle particulièrement attachante, même si elle n'est pas exempte de défauts : moitié work-in-progress et moitié jardin secret, ces Images se visitent sur la pointe des pieds.

Susumu YokotaImage 1983-1998 (1998 Skintone Records / Leaf Label).

Florent, Mars 2001