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La Femme de Seisaku

LA FEMME DE SEISAKU

Yasuzu Masumara, 1965, N&B.

avec Ayako Wakao, Takahiro Tumara, Yuka Kono

Zeni / Brian Addav

Brian Addav : "Une jeune femme crève les yeux de son fiancé pour éviter qu'il ne reparte au front. Une sublime odyssée tragique". Ainsi était présenté ce film dans le programme de l'Etrange Festival. " Un chef d'œuvre. Point ". Ainsi le fut-il lors de sa diffusion. Malheureusement, il faut avouer que ces deux présentations, un peu trop glorificatrices, et surtout décalées par rapport au but premier du film, biaisent un peu l'idée que l'on peut s'en faire.

Ce film est avant tout le portrait d'une femme : Okane. Issue d'une famille pauvre ayant quitté son village natal pour une obscure histoire, Okane n'a pour elle que sa beauté. Elle a été rachetée par un vieux marchand qui en a fait sa compagne, et non sa femme. Okane n'est pas libre de sa vie, et ne l'a jamais été. Elle est prisonnière des règles de la société japonaise qui font d'elle une concubine, une esclave, certes entretenue, au service de son maître. La mort de ce dernier la libère, et l'enrichit même, son maître lui léguant 1000 yens. Une fortune pour l 'époque. C'est l'occasion pour Okane et sa mère de retourner dans leur village natal. Leur retour de fortune n'est malheureusement pas pour elles accompagné de leur retour en grâce au village. Okane est toujours mise hors-la-loi, marginalisée par les gens du village et leurs règles strictes.

Antithèse d'Okane, Seisaku est lui aussi de retour au village. Frais émoulu de l'armée, il est le soldat modèle, décoré, reconnu par ses pairs. Un exemple pour le village. Son seul désire : que tout le monde soit dans la bonne mouvance. N'a-t-il pas acheté une cloche, avec sa solde, pour sonner le tocsin tous les matins et forcer les villageois à travailler leurs terres tous les jours ? Evidemment, les extrêmes se rapprochant, Okane et Seisaku ne pourront que s'aimer. Un amour vrai, enfin accessible pour Okane. Et là, après cette longue introduction, débute le vrai propos du film. Quoiqu'elle fasse, Okane ne sera jamais considéré comme les autres habitants du village. Elle pourra vivre avec lui, mais le mariage leur sera refusé. Elle aura beau se montrer prévenante envers sa belle-famille, travailler sa terre, comme tout le monde, elle n'entre pas dans le moule, et les gens refusent de la laisser rentrer. Seule Seisaku lui permet de survivre à cet état de fait. Car elle l'aime comme elle n'a jamais aimé, tout simplement car lui l'aime, véritablement, sans préjugé, sans faux-semblant. Alors oui le début de la guerre russo-japonaise va peut-être briser leur mariage. Seisaku est rappelé au front. Okane se retrouve de nouveau seul, en butte à la calme et non-dite hostilité des villageois. Elle s'affole, ne pouvant vivre sans lui. Seisaku, blessé, est autorisé à revenir quelques jours dans son village. Le drame arrive, car Okane ne peut se résoudre à le laisser repartir, il ne peut qu'y mourir, pour l'honneur, pour le rang du village. Toujours les même bienséances qui régissent la vie des gens.

Alors elle lui crèvera les yeux, comme pour mieux les lui ouvrir, ira en prison. Seisaku sera soumis à son tour à l'hostilité, au rejet, tout simplement parce qu'il n'a pas été le bon soldat, comme on l 'enseigne. La morale est explicite, facile peut-être, mais Seisaku acceptera Okane quand celle-ci sortira de prison, car malgré tous les on-dit, contre tous les faux-semblants, ils s'aiment, réellement, et seul cela compte à leurs yeux.

Ce film n'est pas un chef d'œuvre, une œuvre géniale, mais une œuvre poignante, forte. Juste des intentions simples : raconter une très belle histoire d'amour, dramatique, et dépeindre l'horreur d'une société trop imbue de ses propres règles.

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Zeni : Annoncé comme un chef d'oeuvre, La Femme de Seisaku déçoit tout de même un peu. En fait, il s'agit surtout du fait que le ressort principal du drame (une femme crève les yeux de son mari pour l'empêcher de partir à la guerre) n'intervienne que quinze minutes avant la fin et qu'il ne constitue finalement pas l'intérêt majeur du film.

Pour échapper à sa condition misérable, une jeune femme devient la concubine d'un vieillard. Lorsque celui-ci meurt, elle se retrouve dotée d'un énorme héritage et retourne s'installer dans son village natal avec sa mère. Mais elle est victime des pires railleries par les villageois et sombre dans la solitude lorsque sa mère vient à mourir. Peu après, elle rencontre un jeune homme, fierté du village pour son dévouement, son caractère enjoué et travailleur. En dépit des protestations des villageois, les jeunes gens se marient mais bientôt la guerre russo-japonaise éclate et l'époux doit partir.

Le passé de Okane, la femme, est résumé rapidement avant le générique. On y découvre sa vie misérable, sa condition malheureuse avec son vieillard de mari, la mort de son père gravement malade puis son installation forcée dans son village natal. Peu après, le village haineux devant l'oisiveté de Okane ne tarde pas à l'injurier de tout les noms mais Okane reste indifférente, prostrée dans sa solitude. Lorsque que le jeune homme, Seisaku, véritable modèle pour la jeunesse du village revient de son service militaire, il fait preuve de gentillesse et n'hésite pas à aider Okane lors des funérailles de sa mère, ne prétant pas l'oreille aux médisances des villageois. Les deux jeunes gens ne tardent pas à tomber amoureux l'un de l'autre et finissent par se marier. Cette partie est la plus longue du film et insiste bien sur le rôle des rumeurs, des médisances et en même temps sur le courage du jeune homme à ne pas y préter attention. Filmé de manière très classique, on assiste à une lente montée du drame. Drame qui se joue d'abord lors d'un premier départ de l'époux à la guerre dont il revient blessé. Ne pensant qu'à repartir pour prouver sa bravoure, il ne voit pas la souffrance de Okane. Celle-ci désespérée face à la détermination de son mari à repartir au plus vite, commet un acte d'amour en lui crevant les yeux. Emprisonnée, elle revient deux ans plus tard au village. Seisaku a eu le temps de repenser à l'acte de son épouse et surtout à la et le comprendre.

Emprunt d'une puissance dramatique rare, le film se double d'une réflexion sur la société et l'acceptation d'individus qui refusent de se plier aux règles, attirant jalousie et haine. En prenant deux cas opposés et en les réunissant par l'amour, Masumara apparaît cependant un peu trop démonstratif et appuyé. On peut y voir également en filigrane une réflexion sur la guerre qui n'est vue que par des manchettes de journaux et surtout par ses conséquences effroyables sur les villageois, Okane en premier lieu. On y voit finalement une condamnation de l'héroïsme et du dévouement excessif même si finalement, en acceptant le crime de Okane, Seisaku s'en remet à elle. Soumis à la société et ne pensant qu'à donner une certaine apparence de lui-même à celle-ci, sa cécité n'en apparaît que plus tragique.

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